Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
210
CHAPITRE CXVI.

même Henri VI qu’il avait détrôné, et le replaça sur le trône. On le nommait le faiseur de rois. Les parlements n’étaient que les organes de la volonté du plus fort, Warwick en fit convoquer un qui rétablit bientôt Henri VI dans tous ses droits, et qui déclara usurpateur et traître ce même Édouard IV, auquel il avait, peu d’années auparavant, décerné la couronne. Cette longue et sanglante tragédie n’était pas à son dénoûment. Édouard IV, réfugié en Hollande, avait des partisans en Angleterre. Il y rentra après sept mois d’exil. Sa faction lui ouvrit les portes de Londres. Henri, le jouet de la fortune, rétabli à peine, fut encore remis dans la Tour. Sa femme, Marguerite d’Anjou, toujours prête à le venger, et toujours féconde en ressources, repassait dans ces temps-là même en Angleterre avec son fils le prince de Galles. Elle apprit, en abordant, son nouveau malheur. Warwick, qui l’avait tant persécutée, était son défenseur ; il marchait contre Édouard : c’était un reste d’espérance pour cette malheureuse reine. Mais à peine avait-elle appris la nouvelle prison de son mari qu’un second courrier lui apprend sur le rivage que Warwick vient d’être tué dans un combat, et qu’Édouard IV est vainqueur (1471).

On est étonné qu’une femme, après cette foule de disgrâces, ait encore osé tenter la fortune. L’excès de son courage lui fit trouver des ressources et des amis. Quiconque avait un parti en Angleterre était sûr, au bout de quelque temps, de trouver sa faction fortifiée par la haine contre la cour et contre le ministre. C’est en partie ce qui valut encore une armée à Marguerite d’Anjou, après tant de revers et de défaites. Il n’y avait guère de province en Angleterre dans laquelle elle n’eût combattu. Les bords de la Saverne et le parc de Tewkesbury furent le champ de sa dernière bataille. Elle commandait ses troupes, menant de rang en rang le prince de Galles (1471). Le combat fut opiniâtre ; mais enfin Édouard IV demeura victorieux.

La reine, dans le désordre de sa défaite, ne voyant point son fils, et demandant en vain de ses nouvelles, perdit tout sentiment et toute connaissance. Elle resta longtemps évanouie sur un chariot, et ne reprit ses sens que pour voir son fils prisonnier et son vainqueur Édouard IV devant elle. On sépara la mère et le fils. Elle fut conduite à Londres, dans la Tour, où était le roi son mari.

Tandis qu’on enlevait ainsi la mère, Édouard se tournant vers le prince de Galles : « Qui vous a rendu assez hardi, lui dit-il, pour entrer dans mes États ? — Je suis venu dans les États de mon père, répondit le prince, pour le venger, et pour sauver de vos mains mon héritage. » Édouard, irrité, le frappa de son gantelet