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CHAPITRE LXXV.

Philippe le Long ne manqua pas de faire déclarer dans une assemblée de quelques barons, de prélats et de bourgeois de Paris, que les filles devaient être exclues de la couronne de France ; mais si le parti opposé avait prévalu, on eût bientôt fait une loi fondamentale toute contraire.

Philippe le Long, qui n’est guère connu que pour avoir interdit l’entrée du parlement aux évêques, étant mort après un règne fort court, ne laissa encore que des filles. La loi salique fut confirmée alors une seconde fois. Charles le Bel, qui s’y était opposé, prit incontestablement la couronne, et exclut les filles de son frère.

Charles le Bel, en mourant, laissa encore le même procès à décider. Sa femme était grosse ; il fallait un régent au royaume : Édouard III prétendit la régence en qualité de petit-fils de Philippe le Bel par sa mère, et Philippe de Valois s’en saisit en qualité de premier prince du sang. Cette régence lui fut solennellement déférée, et la reine douairière ayant accouché d’une fille, il prit la couronne du consentement de la nation. La loi salique qui exclut les filles du trône était donc dans les mœurs ; elle était fondamentale par une ancienne convention universelle. Il n’y en a point d’autre. Les hommes les font et les abolissent. Qui peut douter que si jamais il ne restait du sang de la maison de France qu’une princesse digne de régner, la nation ne pût et ne dût lui décerner la couronne ?

Non-seulement les filles étaient exclues, mais le représentant d’une fille l’était aussi : on prétendait que le roi Édouard ne pouvait avoir par sa mère un droit que sa mère n’avait pas. Une raison plus forte encore faisait préférer un prince du sang à un étranger, à un prince né dans une nation naturellement ennemie de la France. Les peuples donnèrent alors à Philippe de Valois le nom de Fortuné. Il put y joindre quelque temps celui de victorieux et de juste : car le comte de Flandre son vassal ayant maltraité ses sujets, et les sujets s’étant soulevés, il marcha au secours de ce prince, et, ayant tout pacifié, il dit au comte de Flandre : « Ne vous attirez plus tant de révoltes par une mauvaise conduite. »

On pouvait le nommer fortuné encore, lorsqu’il reçut dans Amiens l’hommage solennel que lui vint rendre Édouard III. Mais bientôt cet hommage fut suivi de la guerre : Édouard disputa la couronne à celui dont il s’était déclaré le vassal.

Un brasseur de bière de la ville de Gand fut le grand moteur de cette guerre fameuse, et celui qui détermina Édouard à prendre le titre de roi de France. Ce brasseur, nommé Jacques