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CHAPITRE CXXXVIII.

lettres de jussion ; et enfin, forcé d’enregistrer le concordat, il protesta que c’était par le commandement du roi, réitéré plusieurs fois[1].

Cependant le parlement dans ses remontrances, l’université dans ses plaintes, semblaient oublier un service essentiel que François Ier rendait à la nation en accordant les annates ; elles avaient été payées avant lui sur un pied exorbitant, ainsi qu’en Angleterre ; il les modéra ; elles ne montent pas aujourd’hui à quatre cent mille francs, année commune. Mais enfin les vœux de toute la nation étaient qu’on ne payât point du tout d’annates à Rome[2].

On souhaitait au moins un concordat semblable au concordat germanique. Les Allemands, toujours jaloux de leurs droits, avaient stipulé avec Nicolas V que l’élection canonique serait en vigueur dans toute l’Allemagne ; qu’on ne payerait point d’annates à Rome ; que seulement le pape pourrait nommer à certains canonicats pendant six mois de l’année, et que les pourvus payeraient au pape une somme dont on convint. Ces riches canonicats allemands étaient encore un grand abus aux yeux des jurisconsultes, et cette redevance à Rome une simonie. C’était, selon eux, un marché onéreux et scandaleux, de payer en Italie pour obtenir un revenu dans la Germanie et dans la Gaule. Ce trafic paraissait la honte de la religion, et les calculateurs politiques faisaient voir que c’était une faute capitale en France d’envoyer tous les ans à Rome environ quatre cent mille livres, dans un temps où l’on ne regagnait point par le commerce ce que l’on perdait par ce contrat pernicieux. Si le pape exigeait cet argent comme un tribut, il était odieux ; comme une aumône, elle était trop forte. Mais enfin aucun accord ne s’est jamais fait que pour de l’argent : reliques, indulgences, dispenses, bénéfices, tout a été vendu.

S’il fallait mettre ainsi la religion à l’encan, il valait mieux, sans doute, faire servir cette simonie au bien de l’État qu’au profit d’un évêque étranger, qui, par le droit de la nature et des gens, n’était pas plus autorisé à recevoir la première année du revenu d’un bénéfice en France que la première année du revenu de la Chine et des Indes.

Cet accord, alors si révoltant, se fit dans le temps qui précéda la rupture du Nord entier, de l’Angleterre, et de la moitié de l’Allemagne, avec le siége de Rome. Ce siége en devint bientôt

  1. Voyez l’Histoire du Parlement, chapitre xv. (Note de Voltaire.)
  2. Voir, au Dictionnaire philosophique, l’article Annates.