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CHAPITRE CL.

d’hommes, parce que n’ayant aucun culte religieux, ils n’avaient point de sacrifices à faire, ainsi que les Mexicains ; mais ils mangeaient leurs prisonniers de guerre, et Améric Vespuce rapporte dans une de ses lettres qu’ils furent fort étonnés quand il leur fit entendre que les Européans ne mangeaient pas leurs prisonniers.

Au reste, nulles lois chez les Brasiliens que celles qui s’établissaient au hasard pour le moment présent par la peuplade assemblée ; l’instinct seul les gouvernait. Cet instinct les portait à chasser quand ils avaient faim, à se joindre à des femmes quand le besoin le demandait, et à satisfaire ce besoin passager avec des jeunes gens.

Ces peuples sont une preuve assez forte que l’Amérique n’avait jamais été connue de l’ancien monde : on aurait porté quelque religion dans cette terre peu éloignée de l’Afrique. Il est bien difficile qu’il n’y fût resté quelque trace de cette religion, quelle quelle fût ; on n’y en trouva aucune. Quelques charlatans, portant des plumes sur la tête, excitaient les peuples au combat, leur faisaient remarquer la nouvelle lune, leur donnaient des herbes qui ne guérissaient pas leurs maladies : mais qu’on ait vu chez eux des prêtres, des autels, un culte, c’est ce qu’aucun voyageur n’a dit, malgré la pente à le dire.

Les Mexicains, les Péruviens, peuples policés, avaient un culte établi. La religion chez eux maintenait l’État, parce qu’elle était entièrement subordonnée au prince ; mais il n’y avait point d’État chez des sauvages sans besoins et sans police.

Le Portugal laissa pendant près de cinquante ans languir les colonies que des marchands avaient envoyées au Brésil. Enfin, en 1559, on y fit des établissements solides, et les rois de Portugal eurent à la fois les tributs des deux mondes. Le Brésil augmenta les richesses des Espagnols, quand leur roi Philippe II s’empara du Portugal en 1581. Les Hollandais le prirent presque tout entier sur les Espagnols depuis 1625 jusqu’à 1630.

Ces mêmes Hollandais enlevaient à l’Espagne tout ce que le Portugal avait établi dans l’ancien monde et dans le nouveau. Enfin lorsque le Portugal eut secoué le joug des Espagnols, il se remit en possession des côtes du Brésil. Ce pays a produit à ces nouveaux maîtres ce que le Mexique, le Pérou, et les îles, donnaient aux Espagnols, de l’or, de l’argent, des denrées précieuses. Dans nos derniers temps même, on y a découvert des mines de diamants, aussi abondantes que celles de Golconde. Mais qu’est-il arrivé ? tant de richesses ont appauvri les Portugais. Les colonies