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CHAPITRE CLVII.

CHAPITRE CLVII.


Du Mogol.


La race de Tamerlan régnait dans le Mogol : ce royaume de l’Inde n’avait pas été tout à fait soumis par Tamerlan. Les enfants de ce conquérant se firent la guerre pour le partage de ses États, comme les successeurs d’Alexandre ; et l’Inde fut très-malheureuse. Ce pays, où la nature du climat inspire la mollesse, résista faiblement à la postérité de ses vainqueurs. Le sultan Babar, arrière-petit-fils de Tamerlan[1], se rendit absolument le maître de tout le pays qui s’étend depuis Samarcande jusqu’auprès d’Agra.

Quatre nations principales étaient alors établies dans l’Inde : les mahométans arabes, nommés Patanes, qui avaient conservé quelques pays depuis le Xe siècle ; les anciens Parsis ou Guèbres, réfugiés du temps d’Omar ; les Tartares de Gengis et de Tamerlan ; enfin les vrais Indiens, en plusieurs tribus ou castes.

Les musulmans Patanes étaient encore les plus puissants, puisque vers l’an 1530 un musulman, nommé Chircha, dépouilla le sultan Amayum[2], fils de ce Babar, et le contraignit de se réfugier en Perse. L’empereur turc Soliman, l’ennemi naturel des Persans, protégea l’usurpateur mahométan contre la race des usurpateurs tartares que les Persans secouraient. Le vainqueur de Rhodes tint la balance dans l’Inde, et, tant que Soliman vécut, Chircha régna heureusement : c’est lui qui rendit la religion des Osmanlis dominante dans le Mogol. On voit encore les beaux chemins ombragés d’arbres, les caravansérails, et les bains qu’il fit construire pour les voyageurs.

Amayum ne put rentrer dans l’Inde qu’après la mort de Soliman et de Chircha. Une armée de Persans le remit sur le trône. Ainsi les Indiens ont toujours été subjugués par des étrangers.

Le petit royaume de Guzarate, près de Surate, demeurait encore soumis aux anciens Arabes de l’Inde ; c’est presque tout ce qui restait dans l’Asie à ces vainqueurs de tant d’États, que vous avez vus tout conquérir depuis la Perse jusqu’aux provinces

  1. Ou mieux Baber, cinquième descendant de Timour. Il était fils d’Omer-Cheikh, auquel il succéda en 1494. Mort en 1530.
  2. Ou mieux Houmaïoun. (G. A.)