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CHAPITRE CLXXIII.
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gouvernement qu’une petite chose qui fut la source des désastres de cette année. Le roi, pour éviter les troubles qu’il prévoyait dans Paris, fait défense au duc de Guise d’y venir. Il lui écrit deux lettres ; il ordonne qu’on lui dépêche deux courriers. Il ne se trouve point d’argent dans l’épargne pour cette dépense nécessaire : on met les lettres à la poste ; et le duc de Guise vient à Paris, ayant pour excuse apparente qu’il n’a point reçu l’ordre. De là suit la journée des Barricades. Il serait superflu de répéter ici ce que tant d’historiens ont détaillé sur cette journée. Qui ne sait que le roi quitta sa capitale, fuyant devant son sujet, et qu’il assembla ensuite les seconds états de Blois, où il fit assassiner le duc et le cardinal de Guise son frère (décembre 1588), après avoir communié avec eux, et avoir fait serment sur l’hostie qu’il les aimerait toujours ?

Les lois sont une chose si respectable et si sainte que si Henri III en avait seulement conservé l’apparence, si, quand il eut en son pouvoir le prince et le cardinal, dans le château de Blois, il eût mis dans sa vengeance, comme il le pouvait, quelque formalité de justice, sa gloire et peut-être sa vie eussent été sauvées ; mais l’assassinat d’un héros et d’un prêtre le rendirent exécrable aux yeux de tous les catholiques, sans le rendre plus redoutable.

Je crois devoir réfuter ici une erreur qui se trouve dans beaucoup de livres, et principalement dans l’État de la France qu’on réimprime souvent[1]. On y dit que le duc de Guise fut assassiné par les gentilshommes ordinaires de la chambre du roi ; et le déclamateur Maimbourg prétend, dans son Histoire de la Ligue, que Lognac, le chef des assassins, était premier gentilhomme de la chambre : tout cela est faux. Les registres de la chambre des comptes qui ont échappé à l’incendie, et que j’ai consultés, font foi que le maréchal de Retz et le comte de Villequier, tirés du nombre des gentilshommes ordinaires, avaient le titre de premier gentilhomme, charge de nouvelle création, instituée sous Henri II pour le maréchal de Saint-André. Ces mêmes registres font voir les noms des gentilshommes ordinaires de la chambre, qui étaient alors des premières maisons du royaume ; ils avaient succédé sous François Ier aux chambellans, et ceux-ci aux chevaliers de l’hôtel.

  1. L’État de la France a en en effet un grand nombre d’éditions, ou pour mieux dire il existe un grand nombre d’ouvrages sous le titre de : État de la France, État présent de la France, le Vrai État de la France. La plus ancienne édition que cite la Bibliothèque historique de la France est de 1652, in-12 ; la plus récente, de 1749, 6 volumes in-12. (B.)