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CHAPITRE CLXXXIX.

sont le plus dépendants. Le Danemark, au contraire, où le roi n’était qu’un doge, où la noblesse était souveraine, et le peuple esclave, devint, dès l’an 1661, un royaume entièrement monarchique. Le clergé et les bourgeois aimèrent mieux un souverain absolu que cent nobles qui voulaient commander ; ils forcèrent ces nobles à être sujets comme eux, et à déférer au roi, Frédéric III, une autorité sans bornes. Ce monarque fui le seul dans l’univers qui, par un consentement formel de tous les ordres de l’État, fut reconnu pour souverain absolu des hommes et des lois, pouvant les faire, les abroger, et les négliger, à sa volonté. On lui donna juridiquement ces armes terribles, contre lesquelles il n’y a point de bouclier. Ses successeurs en ont rarement abusé. Ils ont senti que leur grandeur consistait à rendre heureux leurs peuples. La Suède et le Danemark sont parvenus à cultiver le commerce par des routes diamétralement opposées : la Suède, en se rendant libre, et le Danemark, en cessant de l’être[1].

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CHAPITRE CLXXXIX.


De la Pologne au xviie siècle, et des sociniens ou unitaires.


La Pologne était le seul pays qui, joignant le nom de république à celui de monarchie, se donnât toujours un roi étranger, comme les Vénitiens choisissent un général de terre. C’est encore le seul royaume qui n’ait point eu l’esprit de conquête, occupé seulement de défendre ses frontières contre les Turcs et contre les Moscovites.

Les factions catholique et protestante, qui avaient troublé tant d’États, pénétrèrent enfin chez cette nation. Les protestants furent assez considérables pour se faire accorder la liberté de conscience en 1587, et leur parti était déjà si fort que le nonce du pape, Annibal de Capoue, n’employa qu’eux pour tâcher de donner la couronne à l’archiduc Maximilien, frère de l’empereur Rodolphe II. En effet les protestants polonais élurent ce prince autrichien, tandis que la faction opposée choisissait le Suédois Sigis-

  1. Ce chapitre a été écrit avant la révolution de 1772.