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DE LA POLOGNE AU XVIIe SIÈCLE.

mond, petit-fils de Gustave Vasa, dont nous avons parlé. Sigismond devait être roi de Suède, si les droits du sang avaient été consultés ; mais vous avez vu que les états de la Suède disposaient du trône. Il était si loin de régner en Suède que Gustave-Adolphe, son cousin, fut sur le point de le détrôner en Pologne, et ne renonça à cette entreprise que pour aller tenter de détrôner l’empereur.

C’est une chose étonnante que les Suédois aient souvent parcouru la Pologne en vainqueurs, et que les Turcs, bien plus puissants, n’aient jamais pénétré beaucoup au delà de ses frontières. Le sultan Osman attaqua les Polonais avec deux cent mille hommes, au temps de Sigismond, du côté de la Moldavie : les Cosaques, seuls peuples alors attachés à la république et sous sa protection, rendirent, par une résistance opiniâtre, l’irruption des Turcs inutile. Que peut-on conclure du mauvais succès d’un tel armement, sinon que les capitaines d’Osman ne savaient pas faire la guerre ?

(1632) Sigismond mourut la même année que Gustave-Adolphe. Son fils Ladislas, qui lui succéda, vit commencer la fatale défection de ces Cosaques qui, ayant été longtemps le rempart de la république, se sont enfin donnés aux Russes et aux Turcs. Ces peuples, qu’il faut distinguer des Cosaques du Tanaïs, habitent les deux rives du Borysthène : leur vie est entièrement semblable à celle des anciens Scythes et des Tartares des bords du Pont-Euxin. Au nord et à l’orient de l’Europe, toute cette partie du monde était encore agreste : c’est l’image de ces prétendus siècles héroïques où les hommes, se bornant au nécessaire, pillaient ce nécessaire chez leurs voisins. Les seigneurs polonais des palatinats qui touchent à l’Ukraine voulurent traiter quelques Cosaques comme leurs vassaux, c’est-à-dire comme des serfs. Toute la nation, qui n’avait de bien que sa liberté, se souleva unanimement, et désola longtemps les terres de la Pologne. Ces Cosaques étaient de la religion grecque, et ce fut encore une raison de plus pour les rendre irréconciliables avec les Polonais. Les uns se donnèrent aux Russes, les autres aux Turcs, toujours à condition de vivre dans leur libre anarchie. Ils ont conservé le peu qu’ils ont de la religion des Grecs, et ils ont enfin perdu presque entièrement leur liberté sous l’empire de la Russie, qui, après avoir été policée de nos jours, a voulu les policer aussi.

Le roi Ladislas mourut sans laisser d’enfants de sa femme, Marie-Louise de Gonzague, la même qui avait aimé le grand écuyer Cinq-Mars. Ladislas avait deux frères, tous deux dans les ordres : l’un, jésuite et cardinal, nommé Jean-Casimir ; l’autre évêque de Breslau et de Kiovie. Le cardinal et l’évêque dispu-