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CHAPITRE CLXXXIX.

tèrent le trône. (1648) Casimir fut élu. Il renvoya son chapeau, prit la couronne de Pologne, et épousa la veuve de son frère ; mais après avoir vu, pendant vingt années, son royaume toujours troublé par des factions, dévasté tantôt par le roi de Suède Charles X, tantôt par les Moscovites et par les Cosaques, il suivit l’exemple de la reine Christine : il abdiqua comme elle (1668), mais avec moins de gloire, et alla mourir à Paris abbé de Saint-Germain des Prés.

La Pologne ne fut pas plus heureuse sous son successeur Michel Coribut. Tout ce qu’elle a perdu en divers temps composerait un royaume immense. Les Suédois lui avaient enlevé la Livonie, que les Russes possèdent encore aujourd’hui. Ces mêmes Russes, après leur avoir pris autrefois les provinces de Pleskou et de Smolensko, s’emparèrent encore de presque toute la Kiovie et de l’Ukraine. Les Turcs prirent, sous le règne de Michel, la Podolie et la Volhinie (1672). La Pologne ne put se conserver qu’en se rendant tributaire de la Porte ottomane. Le grand-maréchal de la couronne Jean Sobieski lava cette honte, à la vérité, dans le sang des Turcs à la bataille de Chokzim : (1674) cette célèbre bataille délivra la Pologne du tribut, et valut à Sobieski la couronne ; mais apparemment cette victoire si célèbre ne fut pas aussi sanglante et aussi décisive qu’on le dit, puisque les Turcs gardèrent alors la Podolie et une partie de l’Ukraine, avec l’importante forteresse de Kaminieck qu’ils avaient prise.

Il est vrai que Sobieski, devenu roi, rendit depuis son nom immortel par la délivrance de Vienne ; mais il ne put jamais reprendre Kaminieck, et les Turcs ne l’ont rendu qu’après sa mort, à la paix de Carlowitz, en 1699. La Pologne, dans toutes ces secousses, ne changea jamais ni de gouvernement, ni de lois, ni de mœurs, ne devint ni plus riche ni plus pauvre ; mais sa discipline militaire ne s’étant point perfectionnée, et le czar Pierre ayant enfin, par le moyen des étrangers, introduit chez lui cette discipline si avantageuse, il est arrivé que les Russes, autrefois méprisés de la Pologne, l’ont forcée en 1733 à recevoir le roi qu’ils ont voulu lui donner, et que dix mille Russes ont imposé des lois à la noblesse polonaise assemblée.

L’impératrice-reine Marie-Thérèse, l’impératrice de Russie Catherine II, et Frédéric, roi de Prusse, ont imposé des lois plus dures à cette république, au moment que nous écrivons[1].

  1. Cet alinéa est une des additions posthumes. Il a trait au premier partage de la Pologne en 1772. (B.)