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CHAPITRE CLXXVI.

est condamné par le parlement comme rebelle ; et, après avoir reçu de l’argent de l’Espagne pour entretenir ses troupes, il exige et reçoit cent mille écus de Louis XIII (1628) pour achever de les payer et pour les congédier.

Les villes calvinistes sont traitées comme la Rochelle ; on leur ôte leurs fortifications et tous les droits qui pouvaient être dangereux ; on leur laisse la liberté de conscience, leurs temples, leurs lois municipales, les chambres de l’édit, qui ne pouvaient pas nuire. Tout est apaisé. Le grand parti calviniste, au lieu d’établir une domination, est désarmé et abattu sans ressource. La Suisse, la Hollande, n’étaient pas si puissantes que ce parti quand elles s’érigèrent en souverainetés indépendantes. Genève, qui était peu de chose, se donna la liberté et la conserva. Les calvinistes de France succombèrent : la raison en est que leur parti même était dispersé dans leurs provinces, que la moitié des peuples et les parlements étaient catholiques, que la puissance royale tombait sur leurs pays tout ouverts, qu’on les attaquait avec des troupes supérieures et disciplinées, et qu’ils eurent affaire au cardinal de Richelieu.

Jamais Louis XIII, qu’on ne connaît point assez, ne mérita tant de gloire par lui-même : car, tandis qu’après la prise de la Rochelle les armées forçaient les huguenots à l’obéissance, il soutenait ses alliés en Italie ; il marchait au secours du duc de Mantoue (mars 1629) au travers des Alpes, au milieu d’un hiver rigoureux, forçait trois barricades au pas de Suze, s’emparait de Suze, obligeait le duc de Savoie à s’unir à lui, et chassait les Espagnols de Casal. Le roi avait de la bravoure, mais n’avait nul courage d’esprit.

Cependant le cardinal de Richelieu négociait avec tous les souverains, et contre la plus grande partie des souverains. Il envoyait un capucin à la diète de Ratisbonne pour tromper les Allemands, et pour lier les mains à l’empereur dans les affaires d’Italie. En même temps Charnacé était chargé d’encourager le roi de Suède, Gustave-Adolphe, à descendre en Allemagne : entreprise à laquelle Gustave était déjà très-disposé. Richelieu songeait à ébranler l’Europe, tandis que la cabale de Gaston et des deux reines tentait en vain de le perdre à la cour. Sa faveur causait encore plus de troubles dans le cabinet que ses intrigues n’en excitaient dans les autres États. Il ne faut pas croire que ces troubles de la cour fussent le fruit d’une profonde politique et de desseins bien concertés, qui unissent contre lui un parti habilement formé pour le faire tomber, et pour lui donner un suc-