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CHARLEMAGNE.

Didier, qui était devant Rome. Il ne s’agissait pas de venger Rome, mais il s’agissait d’empêcher Didier de s’accommoder avec le pape pour rendre aux deux fils de Carloman le royaume qui leur appartenait. Il court attaquer son beau-père, et se sert de la piété pour appuyer son usurpation. Il est suivi de soixante et dix mille hommes de troupes réglées, chose inouïe dans ces temps-là. On assemblait, auparavant, des armées de cent et de deux cent mille hommes ; mais c’étaient des paysans qui allaient faire leurs moissons après une bataille perdue ou gagnée. Charlemagne les retenait plus longtemps sous le drapeau, et c’est ce qui contribua à ses victoires.

774. L’armée française assiége Pavie. Le roi va à Rome, renouvelle, à ce qu’on dit, la donation de Pépin, et l’augmente : il en met lui-même une copie sur le tombeau qu’on prétend renfermer les cendres de saint Pierre. Le pape Adrien le remercie par des vers qu’il fait pour lui.

La tradition de Rome est que Charles donna la Corse, la Sardaigne et la Sicile. Il ne donna sans doute aucun de ces pays qu’il ne possédait pas ; mais il existe une lettre d’Adrien à l’impératrice Irène, qui prouve que Charles donna des terres que cette lettre ne spécifie pas. « Charles, duc des Francs et patrice, nous a, dit-il, donné des provinces et restitué les villes que les perfides Lombards retenaient à l’Église, etc. »

On sent qu’Adrien ménage encore l’empire en ne donnant que le titre de duc et de patrice à Charles, et qu’il veut fortifier sa possession du nom de restitution.

Le roi retourne devant Pavie. Didier se rend à lui. Le roi le fait moine, et l’envoie en France dans l’abbaye de Corbie. Ainsi finit ce royaume des Lombards, qui avaient, en Italie, détruit la puissance romaine, et substitué leurs lois à celles des empereurs. Tout roi détrôné devient moine dans ces temps-là, ou est assassiné.

Charlemagne se fait couronner roi d’Italie, à Pavie, d’une couronne où il y avait un cercle de fer, qu’on garde encore dans la petite ville de Monza.

La justice était administrée toujours dans Rome au nom de l’empereur grec. Les papes mêmes recevaient de lui la confirmation de leur élection. On avait ôté à l’empereur le vrai pouvoir ; on lui laissait quelques apparences. Charlemagne prenait seulement, ainsi que Pépin, le titre de patrice.

Cependant on frappait alors de la monnaie à Rome au nom d’Adrien. Que peut-on en conclure, sinon que le pape, délivré des Lombards, et n’obéissant plus aux empereurs, était le maître dans