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ANNALES DE L’EMPIRE.

santé de l’empereur Louis II chancelante, promet en secret la couronne impériale à Charles le Chauve, roi de France, et lui vend cette promesse. C’est ce même Jean VIII (qui ménagea tant le patriarche Photius, et qui souffrit qu’on nommât Photius avant lui, dans un concile à Constantinople.

Les Moraves, les Huns, les Danois, continuent d’inquiéter la Germanie, et ce vaste État ne peut encore avoir de bonnes lois.

874. La France n’était pas plus heureuse. Charles le Chauve avait un fils nommé Carloman, qu’il avait fait tonsurer dans son enfance, et qu’on avait ordonné diacre malgré lui. Il se réfugia enfin à Metz dans les États de Louis de Germanie, son oncle. Il lève des troupes ; mais ayant été pris, son père lui fit crever les yeux, suivant la nouvelle coutume.

875. L’empereur Louis II meurt à Milan. Le roi de France, Charles le Chauve, son frère, passe les Alpes, ferme les passages à son frère Louis de Germanie, court à Rome, répand de l’argent, se fait proclamer par le peuple roi des Romains, et couronner par le pape.

Si la loi salique avait été en vigueur dans la maison de Charlemagne, c’était à l’aîné de la maison, à Louis le Germanique, qu’appartenait l’empire ; mais quelques troupes, de la célérité, de la condescendance, et de l’argent, firent les droits de Charles le Chauve. Il avilit sa dignité pour en jouir. Le pape Jean VIII donna la couronne en souverain ; le Chauve la reçut en vassal, confessant qu’il tenait tout du pape, laissant aux successeurs de ce pontife le pouvoir de conférer l’empire, et promettant d’avoir toujours près de lui un vicaire du saint-siége pour juger toutes les grandes affaires ecclésiastiques. L’archevêque de Sens fut en cette qualité primat de Gaule et de Germanie, titre devenu inutile.

Certes les papes eurent raison de se croire en droit de donner l’empire, et même de le vendre, puisqu’on le leur demandait et qu’on l’achetait, et puisque Charlemagne lui-même avait reçu le titre d’empereur du pape Léon III ; mais aussi on avait raison de dire que Léon III, en déclarant Charlemagne empereur, l’avait déclaré son maître ; que ce prince avait pris les droits attachés à sa dignité ; que c’était à ses successeurs à confirmer les papes, et non à être choisis par eux. Le temps, l’occasion, l’usage, la prescription, la force, font tous les droits.

On a conservé et on garde peut-être encore à Rome un diplôme de Charles le Chauve, dans lequel il confirme les donations de Pepin ; mais Othon III déclara que toutes ces donations étaient aussi fausses que celles de Constantin.