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HENRI L’OISELEUR.

occupé qu’à les repousser. Les Français, pendant ce temps, s’emparent de la Lorraine. Si Charles le Simple avait fait cette conquête, il ne méritait pas le nom de Simple ; mais il avait des ministres et des généraux qui ne l’étaient pas. Il crée un duc de Lorraine.

Les évêques d’Allemagne s’affermissent dans la possession de leurs fiefs ; Conrad meurt en 919[1] dans la petite ville de Veilbourg. On prétend qu’avant sa mort il désigna Henri duc de Saxe pour son successeur, au préjudice de son propre frère. Il n’est guère vraisemblable qu’il eût cru être en droit de se choisir un successeur, ni qu’il eût choisi son ennemi.

Le nom de ce prétendu empereur fut ignoré en Italie pendant son règne. La Lombardie était en proie aux divisions ; Rome, aux plus horribles scandales, et Naples et Sicile, aux dévastations des Sarrasins.

C’est dans ce temps que la prostituée Théodora plaçait à Rome sur le trône de l’Église Jean X, non moins prostitué qu’elle.



HENRI L’OISELEUR,
onzième empereur.

919-920. Il est important d’observer que dans ces temps d’anarchie plusieurs bourgades d’Allemagne commencèrent à jouir des droits de la liberté naturelle, à l’exemple des villes d’Italie. Les unes achetèrent ces droits de leurs seigneurs, les autres les avaient soutenus les armes à la main. Les députés de ces villes concoururent, dit-on, avec les évêques et les seigneurs, pour choisir un empereur, et sont, cette fois, au rang des électeurs. Ainsi Henri Ier dit l’Oiseleur, duc de Saxe, est élu par une assemblée qui ressemble aux trois états établis longtemps après en France. Rien n’est plus conforme à la nature que tous ceux qui ont intérêt d’être bien gouvernés concourent à établir le gouvernement.

Ce n’est pas qu’il y eût alors en Allemagne trois états distincts, trois ordres distinctement reconnus. Ces trois ordres, noblesse, clergé, communes, n’existent qu’en France : jamais dans aucun autre pays le clergé n’a fait une nation à part. Les évêques et les

  1. Le 23 décembre 913, selon Voltaire, dans le Catalogue des empereurs, et selon l’Art de vérifier les dates, qui cite Quedlimbourg au lieu de Weilbourg. (Cl.)