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ANNALES DE L’EMPIRE.

et condamna seulement son rival à perdre la tête ; que la veuve du comte ayant prouvé l’innocence de son mari eut quatre beaux châteaux en dédommagement. Cette fable avait déjà été imaginée sur une Andaberte[1], femme de l’empereur Louis II. Ce sont des romans dont le sage et savant Muratori prouve la fausseté[2].

L’empereur, reconnu à Rome, retourne en Allemagne ; il trouve les Slaves maîtres de Bernbourg, et on ôte à l’archevêque de Magdebourg le gouvernement dans ce pays pour s’être laissé battre par les Slaves.

998. Tandis qu’Othon III est occupé contre les barbares du Nord, le consul Crescence chasse de Rome Grégoire V, qui va l’excommunier à Pavie ; et Othon repasse en Italie pour le punir.

Crescence soutient un siége dans Rome ; il rend la ville au bout de quelques jours, et se retire dans le môle d’Adrien, appelé alors le môle de Crescence, et depuis le château Saint-Ange. Il y meurt en combattant, sans qu’on sache le genre de sa mort ; mais il semblait mériter le nom de consul qu’il portait. L’empereur prend sa veuve pour maîtresse, et fait couper la langue et arracher les yeux au pape de la nomination de Crescence. Mais aussi on dit qu’Othon et sa maîtresse firent pénitence, qu’ils allèrent en pèlerinage à un monastère, qu’ils couchèrent même sur une natte de jonc.

999. Il fait un décret par lequel les Allemands seuls auront le droit d’élire l’empereur romain, et les papes seront obligés de le couronner. Grégoire V, son parent, ne manqua pas de signer le décret ; et les papes suivants de le réprouver.

1000. Othon retourne en Saxe, et passe en Pologne. Il donne au duc le titre de roi, mais non à ses descendants. On verra[3] dans la suite que les empereurs créaient des ducs et des rois à brevet. Boleslas reçoit de lui la couronne, fait hommage à l’empire, et s’oblige à une légère redevance annuelle.

Le pape Silvestre II, quelques années après, lui conféra aussi le titre de roi, prétendant qu’il n’appartenait qu’au pape de le donner. Il est étrange que des souverains demandent des titres à d’autres souverains ; mais l’usage est le maître de tout. Les histo-

  1. Voltaire la nomme Ingelberte dans le Catalogue,iv ; plus connue sous le nom d’Angelberge. (Cl.)
  2. Rerum italicarum Scriptores prœcipui ab anno 500 ad annum 1500. (1723-1751.) Muratori n’était mort que depuis deux ans (1750) quand Voltaire le qualifiait de sage et de savant. (G. A.)
  3. Années 1158 et 1309.