Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
288
ANNALES DE L’EMPIRE.

permettait que les évêques versassent le sang humain : contradictions trop ordinaires chez les hommes.

Il envoie des troupes vers Capoue et vers la Pouille, mais il ne se rend point maître du pays ; et c’est une médiocre conquête que de se saisir d’un abbé du Mont-Cassin déclaré contre lui, et d’en faire élire un autre.

1023. Il repasse bien vite les Alpes, selon la maxime de ses prédécesseurs de ne se pas éloigner longtemps de l’Allemagne. Il convient avec Robert, roi de France, d’avoir une entrevue avec lui dans un bateau sur la Meuse, entre Sedan et Mouzon. L’empereur prévient le roi de France, et va le trouver dans son camp avec franchise. C’était plutôt une visite d’amis qu’une conférence de rois ; exemple peu imité.

1024. L’empereur fait ensuite le tour d’une grande partie de l’Allemagne dans une profonde paix, laissant partout des marques de générosité et de justice.

Il sentait que sa fin approchait, quoiqu’il n’eût que cinquante-deux ans. On a écrit qu’avant sa mort il dit aux parents de sa femme : « Vous me l’avez donnée vierge, je vous la rends vierge ; » discours étrange dans un mari, encore plus dans un mari couronné. C’était se déclarer impuissant ou fanatique. Il meurt le 14 juillet ; son corps est porté à Bamberg, sa ville favorite. Les chanoines de Bamberg le firent canoniser cent ans après. On ne sait s’il a mieux figuré sur un autel que sur le trône.



CONRAD II, dit LE SALIQUE,
seizième empereur.

1024. On ne peut assez s’étonner du nombre prodigieux de dissertations sur les prétendus sept électeurs qu’on a crus institués dans ce temps-là. Jamais pourtant il n’y eut de plus grande assemblée que celle où Conrad II fut élu. On fut obligé de la tenir en plein champ entre Vorms et Mayence. Les ducs de Saxe, de Bohême, de Bavière, de Carinthie, de la Souabe, de la Franconie, de la haute, de la basse Lorraine ; un nombre prodigieux de comtes, d’évêques, d’abbés : tous donnèrent leurs voix. Il faut remarquer que les magistrats des villes y assistèrent, mais qu’ils ne donnèrent point leurs suffrages. On fut campé six semaines dans le champ d’élection avant de se déterminer.