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ANNALES DE L’EMPIRE.


Les prédécesseurs de Grégoire VII n’avaient envoyé des légats aux empereurs que pour les prier de venir les secourir et de se faire couronner dans Rome. Grégoire envoie deux légats à Henri, pour le citer à venir comparaître devant lui comme un accusé.

Les légats, arrivés à Goslar, sont abandonnés aux insultes des valets. On assemble pour réponse une diète dans Vorms, où se trouvent presque tous les seigneurs, les évêques, et les abbés d’Allemagne.

Un cardinal, nommé Hugues, y demande justice de tous les crimes qu’il impute au pape. Grégoire y est déposé à la pluralité des voix ; mais il fallait avoir une armée pour aller à Rome soutenir ce jugement.

Le pape, de son côté, dépose l’empereur par une bulle : « Je lui défends, dit-il, de gouverner le royaume teutonique et l’Italie ; et je délivre[1] ses sujets du serment de fidélité. »

Grégoire, plus habile que l’empereur, savait bien que ces excommunications seraient secondées par des guerres civiles. Il met les évêques allemands dans son parti. Ces évêques gagnent des seigneurs. Les Saxons, anciens ennemis de Henri, se joignent à eux. L’excommunication de Henri IV leur sert de prétexte.

Ce même Guelfe, à qui l’empereur avait donné la Bavière[2], s’arme contre lui de ses bienfaits, et soutient les mécontents.

Enfin la plupart des mêmes évêques et des mêmes princes qui avaient déposé Grégoire VII soumettent leur empereur au jugement de ce pape. Ils décrètent que le pape viendra juger définitivement l’empereur dans Augsbourg.

1077. L’empereur veut prévenir ce jugement fatal d’Augsbourg ; et par une résolution inouïe il va, suivi de peu de domestiques, demander au pape l’absolution.

Le pape était alors dans la forteresse de Canosse sur l’Apennin, avec la comtesse Mathilde, propre cousine de l’empereur.

Cette comtesse Mathilde est la véritable cause de toutes les guerres entre les empereurs et les papes, qui ont si longtemps désolé l’Italie. Elle possédait de son chef une grande partie de la Toscane, Mantoue, Parme, Reggio, Plaisance, Ferrare, Modène, Vérone, presque tout ce qu’on appelle aujourd’hui le patrimoine de Saint-Pierre de Viterbe jusqu’à Orviette, une partie de l’Om-

  1. Délie serait le mot propre, et c’est ainsi que Voltaire a écrit dans un des paragraphes du Cri des nations (voyez les Mélanges, année 1769). Mais toutes les éditions des Annales portent délivre. (B.)
  2. Voyez page 296.