Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
306
ANNALES DE L’EMPIRE.

on peut recevoir par grâce, mais on ne doit être dépossédé que par justice. Plusieurs vassaux de l’empire s’intitulaient déjà ducs et comtes par la grâce de Dieu.

Cette indépendance que les seigneurs s’assuraient, et que les empereurs voulaient réduire, contribua pour le moins, autant que les papes, au trouble de l’empire, et à la révolte des enfants contre leurs pères.

La force des grands s’accroissait de la faiblesse du trône. Ce gouvernement féodal était à peu près le même en France et en Aragon. Il n’y avait plus de royaume en Italie ; tous les seigneurs s’y cantonnaient : l’Europe était toute hérissée de châteaux et couverte de brigands ; la barbarie et l’ignorance régnaient. Les habitants des campagnes étaient dans la servitude, les bourgeois des villes méprisés et rançonnés, et, à quelques villes commerçantes près, en Italie, l’Europe n’était, d’un bout à l’autre, qu’un théâtre de misères.

La première chose que fait Henri V, dès qu’il s’est fait couronner, est de maintenir ce même droit des investitures, contre lequel il s’était élevé pour détrôner son père.

Le pape Pascal étant venu en France, va jusqu’à Châlons en Champagne pour conférer avec les princes et les évêques allemands, qui y viennent au nom de l’empereur.

Cette nombreuse ambassade refuse d’abord de faire la première visite au pape. Ils se rendent pourtant chez lui à la fin. Brunon, archevêque de Trêves, soutient le droit de l’empereur. Il était bien plus naturel qu’un archevêque réclamât contre ces investitures et ces hommages, dont les évêques se plaignaient tant ; mais l’intérêt particulier combat dans toutes les occasions l’intérêt général.

1107-1108-1109-1110. Ces quatre années ne sont guère employées qu’à des guerres contre la Hongrie et contre une partie de la Pologne ; guerres sans sujet, sans grand succès de part ni d’autre, qui finissent par la lassitude de tous les partis, et qui laissent les choses comme elles étaient.

1111-1112. L’empereur, à la fin de cette guerre, épouse la fille de Henri Ier, roi d’Angleterre, fils et second successeur de Guillaume le Conquérant. On prétend que sa femme eut pour dot une somme qui revient à environ neuf cent mille livres sterling. Cela composerait plus de cinq millions d’écus d’Allemagne d’aujourd’hui, et de vingt millions de France. Les historiens manquent tous d’exactitude sur ces faits ; et l’histoire de ces temps-là n’est que trop souvent un ramas d’exagérations.