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FRÉDÉRIC Ier, DIT BARBEROUSSE.

de Naples, et petite-fille de Roger premier du nom. Elle était héritière présomptive de ce beau royaume : ce mariage fut la source des plus grands et des plus longs malheurs.

Cette année doit être célèbre en Allemagne par l’usage qu’introduisit un évêque de Metz, nommé Bertrand, d’avoir des archives dans la ville, et d’y conserver les actes dont dépendent les fortunes des particuliers. Avant ce temps-là, tout se faisait par témoins seulement, et presque toutes les contestations se décidaient par des combats.

1187. La Poméranie qui, après avoir appartenu aux Polonais, était vassale de l’empire, et qui lui payait un léger tribut, est subjuguée par Canut, roi de Danemark, et devient vassale des Danois. Slesvick, auparavant relevant de l’empire, devient un duché du Danemark, Ainsi ce royaume[1], qui auparavant relevait lui-même de l’Allemagne, lui ôte tout d’un coup deux provinces.

Frédéric Barberousse, auparavant si grand et si puissant, n’avait plus qu’une ombre d’autorité en Italie, et voyait la puissance de l’Allemagne diminuée.

Il rétablit sa réputation en conservant la couronne de Bohême à un duc ou à un roi que ses sujets venaient de déposer.

Les Génois bâtissent un fort à Monaco, et font l’acquisition de Gavi.

Grands troubles dans la Savoie. L’empereur Frédéric se déclare contre le comte de Savoie, et détache plusieurs fiefs de ce comté, entre autres les évêchés de Turin et de Genève. Les évêques de ces villes deviennent seigneurs de l’empire : de là les querelles perpétuelles entre les évêques et les comtes de Genève.

1188. Saladin, le plus grand homme de son temps, ayant repris Jérusalem sur les chrétiens, le pape Clément III fait prêcher une nouvelle croisade dans toute l’Europe.

Le zèle des Allemands s’alluma. On a peine à concevoir les motifs qui déterminèrent l’empereur Frédéric à marcher vers la Palestine, et à renouveler, à l’âge de soixante-huit ans, des entreprises dont un prince sage devait être désabusé. Ce qui caractérise ces temps-là, c’est qu’il envoie un comte de l’empire à Saladin, pour lui demander en cérémonie Jérusalem et la vraie croix. Cette vraie croix était incontestablement une très-fausse relique, et cette Jérusalem était une ville très-misérable ; mais il fallait flatter le fanatisme absurde des peuples.

  1. Voyez année 1162.