Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
CHAPITRE CLXXVI.

côtés. Il fallut faire de grands efforts pour résister à ceux qu’on croyait si facilement abattre.

Enfin le cardinal fut en peu de temps sur le point d’être perdu par cette guerre même qu’il avait suscitée pour sa grandeur et pour celle de la France. Le mauvais succès des affaires publiques diminua quelque temps sa puissance à la cour. Gaston, dont la vie était un reflux perpétuel de querelles et de raccommodements avec le roi son frère, était revenu en France ; et le cardinal fut obligé de laisser à ce prince et au comte de Soissons le commandement de l’armée qui reprit Corbie (1636). Il se vit alors exposé au ressentiment des deux princes. C’était, comme on l’a déjà dit, le temps des conspirations ainsi que des duels. Les mêmes personnes qui depuis excitèrent, avec le cardinal de Retz, les premiers troubles de la Fronde, et qui firent les barricades, embrassaient dès lors toutes les occasions d’exercer cet esprit de faction qui les dévorait. Gaston et le comte de Soissons consentirent à tout ce que ces conspirateurs pourraient attenter contre le cardinal. Il fut résolu de l’assassiner chez le roi même ; mais le duc d’Orléans, qui ne faisait jamais rien qu’à demi, effrayé de l’attentat, ne donna point le signal dont les conjurés étaient convenus. Ce grand crime ne fut qu’un projet inutile.

Les Impériaux furent chassés de la Bourgogne ; les Espagnols, de la Picardie ; le duc de Veimar réussit en Alsace, et s’empara de presque tout ce landgraviat que la France lui avait garanti. Enfin, après plus d’avantages que de malheurs, la fortune, qui sauva la vie du cardinal de tant de conspirations, sauva aussi sa gloire, qui dépendait des succès.

(1637) Cet amour de la gloire lui faisait rechercher l’empire des lettres et du bel esprit jusque dans la crise des affaires publiques et des siennes, et parmi les attentats contre sa personne. Il érigeait dans ce temps-là même l’Académie française, et donnait dans son palais des pièces de théâtre auxquelles il travaillait quelquefois. Il reprenait sa hauteur et sa fierté sévère dès que le péril était passé. Car ce fut encore dans ce temps qu’il fomenta les premiers troubles d’Angleterre, et qu’il écrivit au comte d’Estrades ce billet, avant-coureur des malheurs de Charles Ier : « Le roi d’Angleterre, avant qu’il soit un an, verra qu’il ne faut pas me mépriser. »

(1638) Lorsque le siége de Fontarabie fut levé par le prince de Condé, son armée battue, et le duc de La Valette accusé de n’avoir pas secouru le prince de Condé, il fit condamner La Valette fugitif par des commissaires auxquels le roi présida lui--