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ANNALES DE L’EMPIRE.

est bien étrange que les ducs d’Autriche n’en aient fait aucun usage. Il est vraisemblable que les princes de l’empire s’opposèrent à ce nouveau titre, donné par un empereur excommunié, que la moitié de l’Allemagne commençait à ne plus reconnaître.

1247. Innocent IV offre l’empire à plusieurs princes. Tous refusent une dignité si orageuse. Un Guillaume, comte de Hollande, l’accepte. C’était un jeune seigneur de vingt ans. La plus grande partie de l’Allemagne ne le reconnaît pas ; c’est le légat du pape qui le nomme empereur dans Cologne, et qui le fait chevalier.

1248. Deux partis se forment en Allemagne aussi violents que les guelfes et les gibelins en Italie : l’un tient pour Frédéric et son fils Conrad, l’autre pour le nouveau roi Guillaume ; c’était ce que les papes voulaient. Guillaume est couronné à Aix-la-Chapelle par l’archevêque de Cologne. Les fêtes de ce couronnement sont de tous côtés du sang répandu et des villes en cendres. 1249. L’empereur n’est plus en Italie que le chef d’un parti dans une guerre civile. Son fils Enzio, que nous nommons Entius, est battu par les Bolonais, tombe captif entre leurs mains, et son père ne peut pas même obtenir sa délivrance à prix d’argent.

Une autre aventure funeste trouble les derniers jours de Frédéric II, si pourtant cette aventure est telle qu’on la raconte. Son fameux chancelier Pierre des Vignes, ou plutôt de La Vigna, son conseil, son oracle, son ami, depuis plus de trente années, le restaurateur des lois en Italie, veut, dit-on, l’empoisonner, et par les mains de son médecin. Les historiens varient sur l’année de cet événement, et cette variété peut causer quelque soupçon. Est-il croyable que le premier des magistrats de l’Europe, vieillard vénérable, ait tramé un aussi abominable complot ? Et pourquoi ? pour plaire au pape son ennemi : où pouvait-il espérer une plus grande fortune ? quel meilleur poste le médecin pouvait-il avoir que celui de médecin de l’empereur ?

Il est certain que Pierre des Vignes eut les yeux crevés ; ce n’est pas là le supplice de l’empoisonneur de son maître. Plusieurs auteurs italiens prétendent qu’une intrigue de cour fut la cause de sa disgrâce, et porta Frédéric II à cette cruauté : ce qui est bien plus vraisemblable.

1250. Cependant Frédéric fait encore un effort dans la Lombardie ; il fait même passer les Alpes à quelques troupes, et donne l’alarme au pape, qui était toujours dans Lyon sous la protection de saint Louis : car ce roi de France, en blâmant les excès du pape, respectait sa personne et le concile.