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CONRAD IV.

En Allemagne, les villes de Francfort, Mayence, Cologne, Vorms, Spire, s’associent pour leur commerce et pour se défendre des seigneurs de châteaux, qui étaient autant de brigands. Cette union des villes du Rhin est moins une imitation de la confédération des villes de Lombardie que des premières villes anséatiques, Lubeck, Hambourg, Brunsvick[1].

Bientôt la plupart des villes d’Allemagne et de Flandre entrent dans la hanse. Le principal objet est d’entretenir des vaisseaux et des barques à frais communs pour la sûreté du commerce. Un billet d’une de ces villes est payé sans difficulté dans les autres. La confiance du négoce s’établit. Des commerçants font, par cette alliance, plus de bien à la société que n’en avaient fait tant d’empereurs et de papes.

La ville de Lubeck seule est déjà si puissante que, dans une guerre intestine qui survint au Danemark, elle arme une flotte.

Tandis que des villes commerçantes procurent ces avantages temporels, les chevaliers de l’ordre teutonique veulent procurer celui du christianisme à ces restes de Vandales qui vivaient dans la Prusse et aux environs. Ottocare II, roi de Bohême, se croise avec eux. Le nom d’Ottocare était devenu celui des rois de Bohême depuis qu’ils avaient pris le parti d’Othon IV. Ils battent les païens ; les deux chefs des Prussiens reçoivent le baptême. Ottocare rebâtit Kœnigsberg.

D’autres scènes s’ouvrent en Italie. Le pape entretient toujours la guerre, et veut disposer du royaume de Naples et Sicile ; mais il ne peut recouvrer son propre domaine ni celui de la comtesse Mathilde. On voit toujours les papes puissants au dehors par les excommunications qu’ils lancent, par les divisions qu’ils fomentent, très-faibles chez eux, et surtout dans Rome.

Les factions des gibelins et des guelfes partageaient et désolaient l’Italie. Elles avaient commencé par les querelles des papes et des empereurs ; ces noms avaient été partout un mot de ralliement du temps de Frédéric II. Ceux qui prétendaient acquérir des fiefs et des titres que les empereurs donnent se déclaraient gibelins. Les guelfes paraissaient plus partisans de la liberté italique. Le parti guelfe, à Rome, était à la vérité pour le pape quand il s’agissait de se réunir contre l’empereur ; mais ce même parti s’opposait au pape quand le pontife, délivré d’un maître, voulait l’être à son tour. Ces factions se subdivisaient encore en plusieurs parties différentes, et servaient d’aliment aux discordes des villes

  1. Voyez année 1164.