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CONRAD IV.

reur. Ses galères abordent en Sicile, et presque toute la nation y reçoit ses troupes avec joie. Il marche de succès en succès jusqu’à Aquila dans l’Abruzze. Les chevaliers français, aguerris, défont entièrement en bataille rangée l’armée de Conradin, composée à la hâte de plusieurs nations.

Conradin, le duc d’Autriche, et Henri de Castille, sont faits prisonniers.

Les historiens Villani, Guadelfiero, Fazelli, assurent que le pape Clément IV demanda le supplice de Conradin à Charles d’Anjou. Ce fut sa dernière volonté. Ce pape mourut bientôt après[1]. Charles fait prononcer une sentence de mort par son protonotaire Robert de Bari contre les deux princes. Il envoie prisonnier Henri de Castille en Provence, car la Provence lui appartenait du chef de sa femme.

Le 26 octobre, Conradin et Frédéric d’Autriche sont exécutés dans le marché de Naples par la main du bourreau. C’est le premier exemple d’un pareil attentat contre des têtes couronnées. Conradin, avant de recevoir le coup, jeta son gant dans l’assemblée, en priant qu’il fût porté à Pierre d’Aragon, son cousin, gendre de Mainfroi, qui vengera un jour sa mort. Le gant fut ramassé par le chevalier Truchsés de Valdbourg, qui exécuta en effet sa volonté. Depuis ce temps la maison de Valdbourg porte les armes de Conradin, qui sont celles de Souabe. Le jeune duc d’Autriche est exécuté le premier. Conradin, qui l’aimait tendrement, ramasse sa tête, et reçoit en la baisant le coup de la mort[2].

On tranche la tête à plusieurs seigneurs sur le même échafaud. Quelque temps après, Charles d’Anjou fait périr en prison la veuve de Mainfroi avec le fils qui lui reste. Ce qui surprend, c’est qu’on ne voit point que saint Louis, frère de Charles d’Anjou, ait jamais fait à ce barbare le moindre reproche de tant d’horreurs. Au contraire, ce fut en faveur de Charles qu’il entreprit en partie sa dernière malheureuse croisade contre le roi de Tunis, protecteur de Conradin.

1269 à 1272. Les petites guerres continuaient toujours entre les seigneurs d’Allemagne. Rodolphe, comte de Habsbourg, en Suisse, se rendait déjà fameux dans ces guerres, et surtout dans celle qu’il fit à l’évêque de Bâle en faveur de l’abbé de Saint-Gall.

  1. Le 29 novembre 1268. Grégoire X ne lui succéda que le 1er septembre 1271.
  2. Dans l’Histoire des Hohenstaufen de Raumer, on lit que Conradin fut exécuté le premier, et qu’il embrassa Frédéric d’Autriche et ses compagnons, tous vivants encore. (G. A.)