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CHAPITRE CLXXVI.

Louis XIII avait toujours besoin d’un confident, qu’on appelle un favori, qui pût amuser son humeur triste, et recevoir les confidences de ses amertumes. Le duc de Saint-Simon occupait ce poste ; mais, n’ayant pas assez ménagé le cardinal, il fut éloigné de la cour et relégué à Blayes.

Le roi s’attachait quelquefois à des femmes : il aimait Mlle  de La Fayette, fille d’honneur de la reine régnante, comme un homme faible, scrupuleux, et peu voluptueux, peut aimer. Le jésuite Caussin, confesseur du roi, favorisait cette liaison, qui pouvait servir à faire rappeler la reine mère. Mlle  de La Fayette, en se laissant aimer du roi, était dans les intérêts des deux reines, contre le cardinal ; mais le ministre l’emporta sur la maîtresse et sur le confesseur, comme il l’avait emporté sur les deux reines. Mlle  de La Fayette, intimidée, fut obligée de se jeter dans un couvent (1637), et bientôt après le confesseur Caussin fut arrêté et relégué en basse Bretagne.

Ce même jésuite Caussin avait conseillé à Louis XIII de mettre le royaume sous la protection de la Vierge, pour sanctifier l’amour du roi et de Mlle  de La Fayette, qui n’était regardé que comme une liaison du cœur à laquelle les sens avaient très-peu de part. Le conseil fut suivi, et le cardinal de Richelieu remplit cette idée l’année suivante, tandis que Caussin célébrait en mauvais vers, à Quimper-Corentin, l’attachement particulier de la Vierge pour le royaume de France. Il est vrai que la maison d’Autriche avait aussi Marie pour protectrice ; de sorte que, sans les armes des Suédois et du duc de Veimar, protestants, la sainte Vierge eût été apparemment fort indécise.

La duchesse de Savoie, Christine, fille de Henri IV, veuve de Louis Amédée, et régente de la Savoie, avait aussi un confesseur jésuite qui cabalait dans cette cour, et qui irritait sa pénitente contre le cardinal de Richelieu. Le ministre préféra la vengeance et l’intérêt de l’État au droit des gens ; il ne balança pas à faire saisir ce jésuite dans les États de la duchesse.

Remarquez ici que vous ne verrez jamais dans l’histoire aucun trouble, aucune intrigue de cour, dans lesquels les confesseurs des rois ne soient entrés ; et que souvent ils ont été disgraciés. Un prince est assez faible pour consulter son confesseur sur les affaires d’État (et c’est là le plus grand inconvénient de la confession auriculaire) : le confesseur, qui est presque toujours d’une faction, tâche de faire regarder à son pénitent cette faction comme la volonté de Dieu ; le ministre en est bientôt instruit : le confesseur est puni, et on en prend un autre qui emploie le même artifice.