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ANNALES DE L’EMPIRE.

aussi célèbre que celle des Thermopyles. Seize cents Suisses des cantons d’Uri, de Schvitz, et d’Undervald, dissipent au passage des montagnes une armée formidable du duc d’Autriche. Le champ de bataille de Morgarten est le vrai berceau de leur liberté.

1316. Jean XXII, pape à Avignon et à Lyon comme ses deux prédécesseurs, n’osant pas mettre le pied en Italie, et abandonnant Rome, déclare cependant que l’empire dépend de l’Église romaine, et cite à son tribunal les deux prétendants à l’empire. Il y a eu de plus grandes révolutions sur la terre, mais il n’y en a pas eu une plus singulière dans l’esprit humain que de voir les successeurs des Césars, créés sur les bords du Mein, soumettre les droits qu’ils n’ont point sur Rome à un pontife de Rome créé dans Avignon ; tandis que les rois d’Allemagne prétendent avoir le droit de donner les royaumes de l’Europe, que les papes prétendent nommer les empereurs et les rois, et que le peuple romain ne veut ni d’empereur ni de pape.

1317. Il faut se représenter, dans ces temps-là, l’Italie aussi divisée que l’Allemagne. Les guelfes et les gibelins la déchirent toujours. Les guelfes, à la tête desquels est le roi de Naples Robert, tiennent pour Frédéric d’Autriche. Louis a pour lui les gibelins. Les principaux de cette faction sont les Viscontis à Milan. Cette maison établissait sa puissance sur le prétexte de soutenir celle des empereurs. La France voulait déjà se mêler des affaires du Milanais, mais faiblement.

1318. Guerre entre Éric, roi de Danemark, et Valdemar, margrave de Brandebourg. Ce margrave soutient seul cette guerre sans l’aide d’aucun prince de l’empire. Quand un État faible tient tête à un plus fort, c’est qu’il est gouverné par un homme supérieur.

Le duc de Lavenbourg, dans cette courte querelle bientôt accommodée, est prisonnier du margrave, et se rachète pour seize mille marcs d’argent. On pourrait, par ces rançons, juger à peu près de la quantité d’espèces qui roulaient alors dans ces pays, où les princes avaient tout, et les peuples presque rien.

1319. Les deux empereurs consentent à décider leur querelle plus importante par trente champions : usage des anciens temps, que la chevalerie a renouvelé quelquefois.

Ce combat d’homme à homme, de quinze contre quinze, fut comme celui des héros grecs et troyens. Il ne décida rien, et ne fut que le prélude de la bataille que les deux armées se livrèrent,