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ANNALES DE L’EMPIRE.

l’empereur[1] ; maintenant le voici armé pour le pape. On a vu Robert, roi de Naples, défenseur du pape[2] : il est à présent son ennemi. Ce même roi de Bohême, qui venait d’assiéger Cracovie, va en Italie, de concert avec le roi de France, pour y établir le pouvoir du pape. C’est ainsi que l’ambition promène les hommes.

Qu’arrive-t-il ? Il donne bataille près de Ferrare au roi Robert de Naples, aux Viscontis, aux L’Escales, princes de Vérone, réunis. Il est défait deux fois. Il retourne en Allemagne après avoir perdu ses troupes, son argent, et sa gloire.

Troubles et guerres en Brabant au sujet de la propriété de Malines, que le duc de Brabant et le comte de Flandre se disputent. Le roi de Bohême s’en mêle encore. On s’accommode. Malines demeure à la Flandre.

1334. Cependant l’empereur Louis de Bavière reste tranquille dans Munich, et semble ne plus prendre part à rien.

Le pape Jean XXII, plus remuant, sollicite toujours les princes allemands à se soulever contre Louis de Bavière, et les franciscains du parti de Michel de Césène, condamnés par le pape, pressent l’empereur d’assembler un concile pour faire déclarer le pape hérétique, et pour le déposer.

La mort devait venger l’empereur plus promptement qu’un concile. Jean XXII meurt à quatre-vingt-dix ans, le 4 décembre, dans Avignon.

Villani prétend qu’on trouva dans son trésor la valeur de vingt-cinq millions de florins d’or, dont dix-huit millions monnayés. « Je le sais, dit Villani, de mon frère Rommone, qui était marchand du pape. » On peut dire hardiment à Villani que son frère le marchand était un grand exagérateur. Cela ferait environ deux cents millions d’écus d’Allemagne d’aujourd’hui. On eût alors, avec une pareille somme, acheté toute l’Italie, et Jean XXII n’y mit jamais le pied. Il eut beau ajouter une troisième couronne à la tiare pontificale, il n’en fut pas plus puissant. Il est vrai qu’il vendait beaucoup de bénéfices, qu’il inventa les annates, les réserves, les expectatives, qu’il mit à prix les dispenses et les absolutions. Tout cela est une ressource plus faible qu’on ne pense, et a produit beaucoup plus de scandale que d’argent ; les exacteurs de pareils tributs n’en font d’ordinaire aux maîtres qu’une part fort légère.

Ce qui est digne de remarque, c’est qu’il eut du scrupule en

  1. Voyez 1331.
  2. Voyez 1328.