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LOUIS V DE BAVIÈRE.

bulle le 13 avril. « Que la colère de Dieu, dit-il, et celle de saint Pierre et saint Paul, tombent sur lui dans ce monde-ci et dans l’autre ; que la terre l’engloutisse tout vivant ; que sa mémoire périsse ; que tous les éléments lui soient contraires ; que ses enfants tombent dans les mains de ses ennemis aux yeux de leur père. »

Il n’y avait point de protocole pour ces bulles ; elles dépendaient du caprice du dataire qui les expédiait. Le caprice en cette occasion est un peu violent.

Il y avait alors deux archevêques de Mayence : l’un, déposé en vain par le pape ; l’autre, élu à l’instigation du pape par une partie des chanoines. C’est à ce dernier que Clément VI adresse une autre bulle pour élire un empereur.

Le roi de Bohême Jean l’Aveugle, et son fils Charles, marquis de Moravie, qui fut depuis l’empereur Charles IV, vont à Avignon marchander l’empire avec le pape Clément VI. Charles s’engage à casser toutes les ordonnances de Louis de Bavière, à reconnaître que le comté d’Avignon appartenait de droit au saint-siége, ainsi que Ferrare et les autres terres (il entendait celles de la comtesse Mathilde), les royaumes de Sicile, de Sardaigne, et de Corse, et surtout Rome ; que, si l’empereur va à Rome se faire couronner, il en sortira le même jour, qu’il n’y reviendra jamais sans une permission expresse du pape, etc.

Après ces promesses. Clément VI recommande aux archevêques de Cologne et de Trêves, et au nouvel archevêque de Mayence, d’élire empereur le marquis de Moravie, Ces trois prélats avec Jean l’Aveugle s’assemblent à Rentz, près de Coblentz, le 1er juillet. Ils élisent Charles de Luxembourg, marquis de Moravie, qu’on connaît sous le nom de Charles IV.

Le jésuite Maimbourg assure positivement qu’il acheta le suffrage de l’archevêque de Cologne huit mille marcs d’argent ; et il ajoute que le duc de Saxe, comme plus riche, « fit meilleur marché de sa voix, se contentant de deux mille marcs ».

1. Ce que le jésuite Maimbourg assure n’est rapporté que sur un ouï-dire par Cuspinien.

2. Comment peut-on être instruit de ces marchés secrets ?

3. Voilà un beau désintéressement dans le duc de Saxe, de ne se déshonorer que pour deux mille marcs, parce qu’il est riche ! c’est précisément parce qu’on est riche qu’on se vend plus cher, quand on fait tant que de se vendre.

4. Le sens commun permet-il de croire que Charles IV ait acheté chèrement un droit très-incertain et une guerre civile certaine ?