Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/432

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
420
ANNALES DE L’EMPIRE.

en Italie. La plupart des villes mettaient alors sur leurs étendards et sur les portes ce beau mot libertas, que l’on voit encore à Lucques.

1375. Les Florentins commençaient à jouer dans l’Italie le rôle que les Athéniens avaient eu en Grèce. Tous les beaux-arts, inconnus ailleurs, renaissaient à Florence. Les factions guelfe et gibeline, en troublant la Toscane, avaient animé les esprits et les courages ; la liberté les avait élevés. Ce peuple était le plus considéré de I’Italie, le moins superstitieux, et celui qui voulait le moins obéir aux papes et aux empereurs. Le pape Grégoire les excommunie. Il était bien étrange que ces excommunications, auxquelles on était tant accoutumé, fissent encore quelque impression.

1376. Charles fait élire roi des Romains son fils Venceslas, à Rentz sur le Rhin, au même lieu où lui-même avait été élu.

Tous les électeurs s’y trouvèrent en personne. Son second fils Sigismond y assistait, quoique enfant, comme électeur de Brandebourg. Le père avait depuis peu transféré ce titre de Venceslas à Sigismond. Pour lui, il avait sa voix de Bohême. Il restait cinq électeurs à gagner. On dit qu’il leur promit à chacun cent mille florins d’or : plusieurs historiens l’assurent. Il n’est guère vraisemblable qu’on donne à chacun la même somme, ni que cinq princes aient la bassesse de la recevoir, ni qu’ils aient l’indiscrétion de le dire, ni qu’un empereur se vante d’avoir corrompu les suffrages.

Loin de donner de l’argent à l’électeur palatin, il lui vendait dans ce temps-là Guittenbourg, Falkenbourg, et d’autres domaines. Il vendait à vil prix, à la vérité, des droits régaliens aux électeurs de Cologne et de Mayence. Il gagnait ainsi de l’argent, et dépouillait l’empire en l’assurant à son fils.

1377. Charles IV, âgé de soixante-quatre ans, entreprend de faire le voyage de Paris, et on ajoute que c’était pour avoir la consolation de voir le roi de France Charles V[1], qu’il aimait tendrement : et la raison de cette tendresse pour un roi qu’il n’avait jamais vu était qu’il avait épousé autrefois une de ses tantes. Une autre raison qu’on allègue du voyage est qu’il avait la goutte, et qu’il avait promis à M. saint Maur[2], saint d’auprès de Paris, de faire un pèlerinage à cheval chez lui pour sa guérison. La raison véritable était le dégoût, l’inquiétude, et la coutume établie alors

  1. Voyez page 412.
  2. Patron du village de Saint-Maur-les-Fossés, près Paris.