Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/443

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
431
ROBERT.

plus animé, et si les princes n’avaient pas toujours eu en tête d’avoir un pape dans leur parti, pour avoir de quoi opposer les armes de la religion à leurs ennemis. C’est là le nœud de tant de ligues qu’on a vues entre Rome et les rois, de tant de contradictions, de tant d’excommunications demandées en secret par les uns, et bravées par les autres.

Déjà l’Église pouvait craindre la science, l’esprit, et les beaux-arts ; ils avaient passé de la cour du roi de Naples Robert, à Florence, où ils établissaient leur empire. L’émulation des universités naissantes commençait à débrouiller quelques chaos. La moitié de l’Italie était ennemie des papes. Cependant les Italiens, plus instruits alors que les autres nations, n’établirent jamais de secte contre l’Église. Ils faisaient souvent la guerre à la cour romaine, non à l’Église romaine. Les Albigeois et les Vaudois avaient commencé vers les frontières de la France. Wiclef s’éleva en Angleterre. Jean Hus, docteur de la nouvelle université de Prague, et confesseur de la reine de Bohême, femme de Venceslas, ayant lu les manuscrits de Wiclef, prêchait à Prague les opinions de cet Anglais. Rome ne s’était pas attendue que les premiers coups que lui porterait l’érudition viendraient d’un pays qu’elle appela si longtemps barbare. La doctrine de Jean Hus consistait principalement à donner à l’Église les droits que le saint-siége prétendait pour lui seul.

Le temps était favorable. Il y avait déjà, depuis la naissance du schisme, une succession d’anti-papes des deux côtés ; et il était assez difficile de savoir de quel côté était le Saint-Esprit.

Le trône de l’Église étant ainsi partagé en deux, chaque moitié en est rompue et sanglante. Il arrive la même chose à trente chaires épiscopales. Un évêque, approuvé par un pape, conteste à main armée sa cathédrale à un autre évêque confirmé par un autre pape.

À Liége, par exemple, il y a deux évêques qui se font une guerre sanglante. Jean de Bavière, élu par une partie du chapitre, se bat contre un autre élu ; et comme les papes opposés ne pouvaient donner que des bulles, l’évêque Jean de Bavière appelle à son secours Jean, duc de Bourgogne, avec une armée. Enfin, pour savoir à qui demeurera la cathédrale de Liége, la ville est saccagée et presque réduite en cendres.

Tant de maux, auxquels on ne remédie pour l’ordinaire que quand ils sont extrêmes, avaient enfin produit un concile à Pise, où quelques cardinaux retirés appelaient le reste de l’Église. Ce concile est depuis transféré à Constance.