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ANNALES DE L’EMPIRE.

triomphent de la grosse artillerie et de la brillante gendarmerie de Bourgogne. Les Suisses étaient alors les seuls dans l’Europe qui combattissent pour la liberté. Les princes, les républiques même, comme Venise, Florence, Gênes, n’avaient presque été en guerre que pour leur agrandissement. Jamais peuple ne défendit mieux cette liberté précieuse que les Suisses. Il ne leur a manqué que des historiens.

C’est à cette bataille de Grandson que Charles le Téméraire perdit ce beau diamant qui passa depuis au duc de Florence. Un Suisse, qui le trouva parmi les dépouilles, le vendit pour un écu[1].

1477. Charles le Téméraire périt enfin devant Nancy, trahi par le Napolitain Campo-Basso, et tué, en fuyant après la bataille, par Bausemont, gentilhomme lorrain.

Par sa mort le duché de Bourgogne, l’Artois, le Charolais, Mâcon, Bar-sur-Seine, Lille, Douai, les villes sur la Somme, reviennent à Louis XI, roi de France, comme des fiefs de la couronne ; mais la Flandre qu’on nomme impériale, avec tous les Pays-Bas et la Franche-Comté, appartenaient à la jeune princesse Marie, fille du dernier duc.

Ce que fit certainement de mieux Frédéric III fut de marier son fils Maximilien avec cette riche héritière.

Maximilien épouse Marie, le 17 auguste, dans la ville de Gand, et Louis XI, qui avait pu la donner en mariage à son fils, lui fait la guerre[2].

Ce droit féodal, qui n’est dans son principe que le droit du plus fort, et dans ses conséquences qu’une source éternelle de discordes, allumait cette guerre contre la princesse. Le Hainaut devait-il revenir à la France ? était-ce une province impériale ? la France avait-elle des droits sur Cambrai ? en avait-elle sur l’Artois ? la Franche-Comté devait-elle être encore réputée province de l’empire ? était-elle de la succession de Bourgogne, ou réversible à la couronne de France ? Maximilien aurait bien voulu tout l’héritage. Louis XI voulait tout ce qui était à sa bienséance. C’est donc ce mariage qui est la véritable origine de tant de guerres malheureuses entre les maisons de France et d’Autriche ; c’est parce

  1. Le Sancy, depuis à la couronne de France.
  2. M. de Voltaire suit ici l’opinion commune ; mais il faut observer que la princesse était beaucoup plus âgée que le dauphin, et que les Flamands étaient si opposés à ce mariage qu’ils condamnèrent à mort deux des principaux ministres de leur souveraine, soupçonnés de pencher pour la France, et les exécutèrent sous les yeux de la princesse, qui demandait leur grâce. (K.) — Voyez tome XII, page 126.