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ANNALES DE L’EMPIRE.

coup de soldats enrichis s’habituèrent dans le pays, et on compta à Rome et aux environs, au bout de quelques mois, quatre mille sept cents filles enceintes. Rome fut peuplée d’Espagnols et d’Allemands, après l’avoir été autrefois de Goths, d’Hérules, de Vandales. Le sang des Romains s’était mêlé sous les césars à celui d’une foule d’étrangers. Il ne reste pas aujourd’hui dans Rome une seule famille qui puisse se dire romaine. Il n’y a que le nom et les ruines de la maîtresse du monde qui subsistent.

Pendant la prison du pape, le duc de Ferrare, Alfonse Ier, à qui Jules II avait enlevé Modène et Reggio, reprend cet État quand Clément VII capitule dans le château Saint-Ange. Les Malatesta se ressaisissent de Rimini. Les Vénitiens, alliés du pape, lui prennent Ravenne, mais pour le lui garder, disent-ils, contre l’empereur. Les Florentins secouent le joug des Médicis, et se remettent en liberté.

François Ier et Henri VIII, au lieu d’envoyer des troupes en Italie, envoient des ambassadeurs à l’empereur. Il était alors à Valladolid. La fortune, en moins de deux ans, avait mis entre ses mains Rome, le Milanais, un roi de France et un pape, et il n’en profitait pas. Assez fort pour piller Rome, il ne le fut pas assez pour la garder ; et ce vieux droit des empereurs, cette prétention sur le domaine de Rome demeura toujours derrière un nuage.

Enfin François Ier envoie une armée dans le Milanais sous ce même Lautrec qui l’avait perdu, laissant toujours ses deux enfants en otage. Cette armée reprend encore le Milanais, dont on se saisissait et qu’on perdait en si peu de temps. Cette diversion, et la peste qui ravage à la fois Rome et l’armée de ses vainqueurs, préparent la délivrance du pape. D’un côté Charles-Quint fait chanter des psaumes et faire des processions en Espagne pour cette délivrance du saint-père, qu’il retient captif ; de l’autre il lui vend sa liberté quatre cent mille ducats. Clément VII en paye comptant près de cent mille, et s’évade avant d’avoir payé le reste.

Pendant que Rome est saccagée, et le pape rançonné au nom de Charles-Quint, qui soutient la religion catholique, les sectes ennemies de cette religion font de nouveaux progrès. Le saccagement de Rome et la captivité du pape enhardissaient les luthériens.

La messe est abolie à Strasbourg juridiquement, après une dispute publique. Ulm, Augsbourg, beaucoup d’autres villes impériales, se déclarent luthériennes. Le conseil de Berne fait plaider devant lui la cause du catholicisme et celle des sacramentaires, disciples de Zuingle. Ces sectaires différaient des luthériens, principalement au sujet de l’eucharistie, les zuingliens