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CHARLES-QUINT.

Le landgrave, amoureux de Marguerite de Saal, fille d’un gentilhomme de Saxe, demande à Luther, à Mélanchthon, et à Bucer, s’il peut en conscience avoir deux femmes, et si la loi de la nature peut s’accorder avec la loi chrétienne ; les trois apôtres, embarrassés, lui en donnent secrètement la permission par écrit. Tous les maris pouvaient en faire autant, puisqu’en fait de conscience il n’y a pas plus de privilége pour un landgrave que pour un autre homme ; mais cet exemple n’a pas été suivi : la difficulté d’avoir deux femmes chez soi étant plus grande que le dégoût d’en avoir une seule.

L’empereur fait ses efforts pour dissiper la ligue de Smalcalde ; il ne peut en détacher qu’Albert de Brandebourg, surnommé l’Alcibiade. On tient des assemblées et des conférences entre les catholiques et les protestants, dont l’effet ordinaire est de ne pouvoir s’accorder.

1541. Le 18 juillet, l’empereur publie à Ratisbonne ce qu’on appelle un interim, un inhalt ; c’est un édit par lequel chacun restera dans sa croyance en attendant mieux, sans troubler personne.

Cet interim était nécessaire pour lever des troupes contre les Turcs. On a déjà remarqué[1] qu’alors on ne formait de grandes armées que dans le besoin. On a vu que Soliman avait été le protecteur de Jean Zapoli[2] qui avait toujours disputé la couronne de Hongrie à Ferdinand ; cette protection avait été le prétexte des invasions des Turcs. Jean était mort, et Soliman servait de tuteur à son fils.

L’armée impériale assiége le jeune pupille de Soliman dans Bude ; mais les Turcs viennent à son secours, et défont sans ressource l’armée chrétienne.

Le sultan, lassé enfin de se battre et de vaincre tant de fois pour des chrétiens, prend la Hongrie pour prix de ses victoires, et laisse la Transylvanie au jeune prince, qui, selon lui, ne pouvait avoir par droit d’héritage un royaume électif comme la Hongrie.

Le roi des Romains, Ferdinand, offre alors de se rendre tributaire de Soliman, s’il veut lui rendre ce royaume : le sultan lui répond qu’il faut qu’il renonce à la Hongrie, et qu’il lui fasse hommage de l’Autriche.

Les choses restent en cet état, et tandis que Soliman, dont

  1. Voyez année 1532.
  2. Voyez année 1529.