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ANNALES DE L’EMPIRE.

vie à l’électeur à condition qu’il renoncera, pour lui et ses enfants, à la dignité électorale en faveur de Maurice. On lui laissa la ville de Gotha et ses dépendances ; mais on en démolit la forteresse. C’est de lui que descendent les ducs de Gotha et de Veimar. Le duc Maurice s’engagea à lui faire une pension de cinquante mille écus d’or, et à lui en donner cent mille une fois payés pour acquitter ses dettes. Tous les prisonniers qu’il avait faits, et surtout Albert de Brandebourg et Henri de Brunsvick, furent relâchés ; mais l’électeur n’en demeura pas moins prisonnier de Charles.

Sa femme Sibylle, sœur du duc de Clèves, vint inutilement se jeter aux pieds de l’empereur, et lui demander en larmes la liberté de son mari.

Les alliés de l’électeur se dissipèrent bientôt. Le landgrave de Hesse ne pensa plus qu’à se soumettre. On lui imposa pour condition de venir embrasser les genoux de l’empereur, de raser toutes ses forteresses, à la réserve de Cassel ou de Ziegenheim, en payant cent cinquante mille écus d’or.

Le nouvel électeur, Maurice de Saxe, et l’électeur de Brandebourg, promirent par écrit au landgrave qu’on ne ferait aucune entreprise sur sa liberté. Ils s’en rendirent caution, et consentirent d’être appelés en justice par lui ou par ses enfants, et à souffrir eux-mêmes le traitement que l’empereur lui ferait contre la foi promise.

Le landgrave, sur ces assurances, consentit à tout. Granvelle, évêque d’Arras, depuis cardinal, rédigea les conditions, que Philippe signa. On a toujours assuré que le prélat trompa ce malheureux prince, lequel avait expressément stipulé qu’en venant demander grâce à l’empereur, il ne resterait pas en prison. Granvelle écrivit qu’il ne resterait pas toujours en prison. Il ne fallait qu’un w à la place d’un n pour faire cette étrange différence en langue allemande. Le traité devait porter nicht mit einiger gefængniss, et Granvelle écrivit ewiger.

Le landgrave n’y prit pas garde en relisant l’acte. Il crut voir ce qui devait y être ; et dans cette confiance il alla se jeter aux genoux de Charles-Quint. En effet, il paraît indubitable qu’il ne serait pas sorti de chez lui pour aller recevoir sa grâce s’il avait cru qu’on le mettrait en prison. Il fut arrêté quand il croyait s’en retourner en sûreté, et conduit longtemps à la suite de l’empereur.

Le vainqueur se saisit de toute l’artillerie de l’électeur de Saxe Jean-Frédéric, du landgrave de liesse, et même du duc de Virtemberg. Il confisqua les biens de plusieurs chefs du parti ; il