Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/536

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
524
ANNALES DE L'EMPIRE.

landgrave tente de s’évader. Il en coûte la tête à quelques-uns de ses domestiques.

L’électeur Maurice, indigné contre Charles-Quint, n’est pas fort empressé à combattre pour un empereur dont la puissance se fait sentir si despotiquement à tous les princes ; il ne fait nul effort contre Magdebourg. Il laissa tranquillement les assiégeants battre le duc de Mecklenbourg, et le prendre prisonnier ; et l’empereur se repentit de lui avoir donné l’électorat. Il n’avait que trop de raison de se repentir. Maurice songeait à se faire chef du parti protestant, à mettre non-seulement Magdebourg dans ses intérêts, mais aussi les autres villes, et à se servir de son nouveau pouvoir pour balancer celui de l’empereur. Déjà il négociait sur ces principes avec Henri II, et un nouvel orage se préparait dans l’empire.

1551. Charles-Quint, qu’on croyait au comble de la puissance, était dans le plus grand embarras. Le parti protestant ne pouvait ni lui être attaché ni être détruit. L’affaire de Parme et de Plaisance, dont le roi de France commençait à se mêler, lui faisait envisager une guerre prochaine. Les Turcs étaient toujours en Hongrie. Tous les esprits étaient révoltés dans la Bohême contre son frère Ferdinand.

Charles imagine de donner un nouveau poids à son autorité, en engageant son frère à céder à son fils Philippe le titre de roi des Romains, et la succession à l’empire. La tendresse paternelle pouvait suggérer ce dessein ; mais il est sûr que l’autorité impériale avait besoin d’un chef qui, maître de l’Espagne et du nouveau monde, aurait assez de puissance pour contenir à la fois les ennemis et les princes de l’empire. Il est sûr aussi que les princes auraient vu par là leurs prérogatives bien hasardées, et qu’ils se seraient difficilement prêtés aux vues de l’empereur. Elles ne servirent qu’à indigner Ferdinand, et à brouiller les deux frères.

Charles rompt ouvertement avec Ferdinand, demande sa déposition aux électeurs, et leurs suffrages en faveur de son fils. Il ne recueille de toute cette entreprise que le chagrin d’un refus, et de voir les électeurs du Palatinat, de Saxe, et de Brandebourg, s’opposer ouvertement à ses desseins plus dangereux que sages.

L’électeur Maurice entre enfin dans Magdebourg par capitulation ; mais il soumet cette ville pour lui-même, quoiqu’il la prenne au nom de l’empereur. La même ambition qui l’avait porté à recevoir l’électorat de Saxe des mains de Charles-Quint le porte à s’unir contre lui avec Joachim, électeur de Brandebourg ; Frédé-