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DE RODOLPHE II, MATHIAS, ET FERDINAND II.

de sa victoire (16 novembre 1632). Cette mort fut fatale au palatin, qui, étant alors malade, et croyant être sans ressource, termina sa malheureuse vie.

Si l’on demande comment autrefois des essaims venus du Nord conquirent l’empire romain, qu’on voie ce que Gustave a fait en deux ans contre des peuples plus belliqueux que n’était alors cet empire, et l’on ne sera point étonné.

C’est un événement bien digne d’attention, que ni la mort de Gustave, ni la minorité de sa fille Christine, reine de Suède, ni la sanglante défaite des Suédois à Nordlingen, ne nuisit point à la conquête. Ce fut alors que le ministère de France joua en effet le rôle principal : il fit la loi aux Suédois et aux princes protestants d’Allemagne, en les soutenant ; et ce fut ce qui valut depuis l’Alsace au roi de France, aux dépens de la maison d’Autriche.

Gustave-Adolphe avait laissé après lui de très-grands généraux qu’il avait formés : c’est ce qui est arrivé à presque tous les conquérants. Ils furent secondés par un héros de la maison de Saxe, Bernard de Veimar, descendant de l’ancienne branche électorale dépossédée par Charles-Quint, et respirant encore la haine contre la maison d’Autriche. Ce prince n’avait pour tout bien qu’une petite armée qu’il avait levée dans ces temps de trouble, formée et aguerrie par lui, et dont la solde était au bout de leurs épées. La France payait cette armée, et payait alors les Suédois. L’empereur, qui ne sortait point de son cabinet, n’avait plus de grand général à leur opposer ; il s’était défait lui-même du seul homme qui pouvait rétablir ses armes et son trône : il craignit que ce fameux duc de Valstein, auquel il avait donné un pouvoir sans bornes sur ses armées, ne se servit contre lui de ce pouvoir dangereux ; (3 février 1634) il fit assassiner ce général, qui voulait être indépendant.

C’est ainsi que Ferdinand Ier s’était défait, par un assassinat, du cardinal Martinusius, trop puissant en Hongrie, et que Henri III avait fait périr le cardinal et le duc de Guise.

Si Ferdinand II avait commandé lui-même ses armées, comme il le devait dans ces conjonctures critiques, il n’eût point eu besoin de recourir à cette vengeance des faibles, qu’il crut nécessaire, et qui ne le rendit pas plus heureux.

Jamais l’Allemagne ne fut plus humiliée que dans ce temps : un chancelier suédois y dominait et y tenait sous sa main tous les princes protestants. Ce chancelier, Oxenstiern, animé d’abord de l’esprit de Gustave-Adolphe, son maître, ne voulait point que les Français partageassent le fruit des conquêtes de Gustave ;