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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/95

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DE L’ANGLETERRE SOUS CHARLES II.

maison des rois ; il obéit sans murmure, et vécut en particulier paisible.

On n’entendait point alors parler des pairs ni des évêques. Charles II paraissait abandonné de tout le monde, aussi bien que Richard Cromwell, et on croyait dans toutes les cours de l’Europe que la république anglaise subsisterait. Le célèbre Monk, officier général sous Cromwell, fut celui qui rétablit le trône : il commandait en Écosse l’armée qui avait subjugué le pays. Le parlement de Londres ayant voulu casser quelques officiers de cette armée, ce général se résolut à marcher en Angleterre pour tenter la fortune. Les trois royaumes alors n’étaient qu’une anarchie. Une partie de l’armée de Monk, restée en Écosse, ne pouvait la tenir dans la sujétion. L’autre partie, qui suivait Monk en Angleterre, avait en tête celle de la république. Le parlement redoutait ces deux armées, et voulait en être le maître. Il y avait là de quoi renouveler toutes les horreurs des guerres civiles.

Monk, ne se sentant pas assez puissant pour succéder aux deux protecteurs, forma le dessein de rétablir la famille royale ; et au lieu de répandre du sang, il embrouilla tellement les affaires par ses négociations qu’il augmenta l’anarchie, et mit la nation au point de désirer un roi. À peine y eut-il du sang répandu. Lambert, un des généraux de Cromwell, et des plus ardents républicains, voulut en vain renouveler la guerre ; il fut prévenu avant qu’il eût rassemblé un assez grand nombre des anciennes troupes de Cromwell, et fut battu et pris par celles de Monk. On assembla un nouveau parlement. Les pairs, si longtemps oisifs et oubliés, revinrent enfin dans la chambre haute. Les deux chambres reconnurent Charles II pour roi, et il fut proclamé dans Londres.

(8 mai 1660) Charles II, rappelé ainsi en Angleterre, sans y avoir contribué que de son consentement, et sans qu’on lui eût fait aucune condition, partit de Bréda, où il était retiré. Il fut reçu aux acclamations de toute l’Angleterre ; il ne paraissait pas qu’il y eût eu de guerre civile. Le parlement exhuma le corps d’Olivier Cromwell, d’Ireton son gendre, d’un nommé Bradshaw, président de la chambre qui avait jugé Charles Ier. On les traîna au gibet sur la claie. De tous les juges de Charles Ier, qui vivaient encore, il n’y en eut que dix qu’on exécuta. Aucun d’eux ne témoigna le moindre repentir ; aucun ne reconnut le roi régnant : tous remercièrent Dieu de mourir martyrs pour la plus juste et la plus noble des causes. Non-seulement ils étaient de la faction intraitable des indépendants, mais de la secte des anabaptistes qui