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ÉCRIVAINS FRANÇAIS

Saint-Sorlin, son accusateur[1]. Saint-Sorlin fut un fanatique qui en dénonça un autre. Morin, qui ne méritait que les petites-maisons, fut brûlé vif en 1663, avant que la philosophie eût fait assez de progrès pour empêcher les savants de dogmatiser, et les juges d’être si cruels.

Motteville (Françoise Bertaut[2] de), née en 1615 en Normandie. Cette dame a écrit des Mémoires qui regardent particulièrement la reine Anne, mère de Louis XIV. On y trouve beaucoup de petits faits, avec un grand air de sincérité. Mort en 1689.

Naudé (Gabriel), né à Paris en 1600 ; médecin, et plus philosophe que médecin. Attaché d’abord au cardinal Barberin, à Rome, puis au cardinal de Richelieu, au cardinal Mazarin, et ensuite à la reine Christine, dont il alla quelque temps grossir la cour savante ; retiré enfin à Abbeville, où il mourut dès qu’il fut libre. De tous ses livres, son Apologie des grands hommes accusés de magie est presque le seul qui soit demeuré. On ferait un plus gros livre des grands hommes accusés d’impiété depuis Socrate.

. . . . . Populus nam solos credit habendos
Esse Deos quos ipse colit.

Juv., sat. xv, v. 37.

Mort en 1653.

Nemours (Marie de Longueville, duchesse de), née en 1625. On a d’elle des Mémoires où l’on trouve quelques particularités des temps malheureux de la Fronde. Morte en 1707.

Nevers (Philippe-Julien Mazarin Mancini, duc de). On a de lui des pièces de poésie d’un goût très-singulier. Il ne faut pas s’en rapporter au sonnet parodié par Racine et Despréaux :

Dans un palais doré, Nevers jaloux et blême
Fait des vers où jamais personne n’entend rien.

Il en faisait qu’on entendait très-aisément et avec grand plaisir, comme ceux-ci contre Rancé, le fameux réformateur de la Trappe, qui avait écrit contre l’archevêque Fénelon :

Cet abbé qu’on croyait pétri de sainteté,
Vieilli dans la retraite et dans l’humilité,
Orgueilleux de ses croix, bouffi de sa souffrance,
Rompt ses sacrés statuts en rompant le silence ;

  1. Voyez l’Histoire de Simon Morin, qui forme le paragraphe viii du Commentaire sur le livre des Délits et des Peines, (Mélanges, à la date de 1766.)
  2. Nièce de Jean Bertaut, évêque de Scez ; elle signait Hauteville. (Cl.)