Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/182

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Je vous ai déjà fait voir comment Ferdinand II[1] fut près de changer l’aristocratie allemande en une monarchie absolue, et comment il fut sur le point d’être détrôné par Gustave-Adolphe. Son fils, Ferdinand III, qui hérita de sa politique, et fit comme lui la guerre de son cabinet, régna pendant la minorité de Louis XIV.

L’Allemagne n’était point alors aussi florissante qu’elle l’est devenue depuis : le luxe y était inconnu, et les commodités de la vie étaient encore très-rares chez les plus grands seigneurs. Elles n’y ont été portées que vers l’an 1686 par les réfugiés français qui allèrent y établir leurs manufactures. Ce pays fertile et peuplé manquait de commerce et d’argent ; la gravité des mœurs et la lenteur particulière aux Allemands les privaient de ces plaisirs et de ces arts agréables que la sagacité italienne cultivait depuis tant d’années, et que l’industrie française commençait dès lors à perfectionner. Les Allemands, riches chez eux, étaient pauvres ailleurs ; et cette pauvreté, jointe à la difficulté de réunir en peu de temps sous les mêmes étendards tant de peuples différents, les mettait à peu près, comme aujourd’hui, dans l’impossibilité de porter et de soutenir longtemps la guerre chez leurs voisins. Aussi c’est presque toujours dans l’empire que les Français ont fait la guerre contre les empereurs. La différence du gouvernement et du génie paraît rendre les Français plus propres pour l’attaque, et les Allemands pour la défense.


DE L’ESPAGNE.


L’Espagne, gouvernée par la branche aînée de la maison d’Autriche, avait imprimé, après la mort de Charles-Quint, plus de terreur que la nation germanique. Les rois d’Espagne étaient incomparablement plus absolus et plus riches. Les mines du Mexique et du Potosi semblaient leur fournir de quoi acheter la liberté de l’Europe. Vous avez vu ce projet de la monarchie, ou plutôt de la supériorité universelle sur notre continent chrétien, commencé par Charles-Quint, et soutenu par Philippe II.

La grandeur espagnole ne fut plus, sous Philippe III, qu’un

  1. Essai sur les Mœurs et l’Esprit des nations. (Note de Voltaire.) — Voyez tome XIII pages 46-51, et dans les Annales de l’empire, pages 565-574 du même volume.