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CHAPITRE V.

SUITE DE LA GUERRE CIVILE JUSQU’À LA FIN DE LA RÉBELLION, EN 1653.


Enfin le prince de Condé se résolut à une guerre qu’il eût dû commencer du temps de la Fronde s’il avait voulu être le maître de l’État, ou qu’il n’aurait dû jamais faire s’il avait été citoyen. Il part de Paris ; il va soulever la Guienne, le Poitou et l’Anjou, et mendier contre la France le secours des Espagnols, dont il avait été le fléau le plus terrible.

Rien ne marque mieux la manie de ce temps, et le dérèglement qui déterminait toutes les démarches, que ce qui arriva alors à ce prince. La reine lui envoya un courrier de Paris avec des propositions qui devaient l’engager au retour et à la paix. Le courrier se trompa ; et au lieu d’aller à Angerville, où était le prince, il alla à Augerville. La lettre vint trop tard. Condé dit que s’il l’avait reçue plus tôt, il aurait accepté les propositions de paix ; mais que, puisqu’il était déjà assez loin de Paris, ce n’était pas la peine d’y retourner. Ainsi la méprise d’un courrier et le pur caprice de ce prince replongèrent la France dans la guerre civile.

(Décembre 1651) Alors le cardinal Mazarin, qui du fond de son exil à Cologne avait gouverné la cour, rentra dans le royaume, moins en ministre qui venait reprendre son poste qu’en souverain qui se remettait en possession de ses États ; il était conduit par une petite armée de sept mille hommes levés à ses dépens, c’est-à-dire avec l’argent du royaume qu’il s’était approprié.

On fait dire au roi, dans une déclaration de ce temps-là, que le cardinal avait en effet levé ces troupes de son argent ; ce qui doit confondre l’opinion de ceux qui ont écrit qu’à sa première sortie du royaume Mazarin s’était trouvé dans l’indigence. Il donna le commandement de sa petite armée au maréchal d’Hocquincourt. Tous les officiers portaient des écharpes vertes ; c’était la couleur des livrées du cardinal. Chaque parti avait alors son écharpe : la blanche était celle du roi ; l’isabelle, celle du prince de Condé. Il était étonnant que le cardinal Mazarin, qui avait jusqu’alors affecté tant de modestie, eût la hardiesse de faire porter ses livrées à une armée, comme s’il avait un parti, différent