Le roi se hâta de venir jouir des acclamations des peuples, des adorations de ses courtisans et de ses maîtresses, et des fêtes qu’il donna à sa cour.
CHAPITRE IX.
CONQUÊTE DE LA FRANCHE-COMTÉ. PAIX D’AIX-LA-CHAPELLE.
(1668) On était plongé dans les divertissements à Saint-Germain, lorsqu’au cœur de l’hiver, au mois de janvier, on fut étonné de voir des troupes marcher de tous côtés, aller et revenir sur les chemins de la Champagne, dans les Trois-Évéchés : des trains d’artillerie, des chariots de munitions, s’arrêtaient, sous divers prétextes, dans la route qui mène de Champagne en Bourgogne. Cette partie de la France était remplie de mouvements dont on ignorait la cause. Les étrangers par intérêt, et les courtisans par curiosité, s’épuisaient en conjectures ; l’Allemagne était alarmée : l’objet de ces préparatifs et de ces marches irrégulières était inconnu à tout le monde. Le secret dans les conspirations n’a jamais été mieux gardé qu’il le fut dans cette entreprise de Louis XIV. Enfin le 2 de février il part de Saint-Germain avec le jeune duc d’Enghien, fils du grand Condé, et quelques courtisans ; les autres officiers étaient au rendez-vous des troupes. Il va à cheval à grandes journées, et arrive à Dijon. Vingt mille hommes assemblés de vingt routes différentes se trouvent le même jour en Franche-Comté, à quelques lieues de Besançon, et le grand Condé paraît à leur tête, ayant pour son principal lieutenant général Montmorency-Boutteville, son ami, devenu duc de Luxembourg, toujours attaché à lui dans la bonne et dans la mauvaise fortune. Luxembourg était l’élève de Condé dans l’art de la guerre ; et il obligea, à force de mérite, le roi, qui ne l’aimait pas, à l’employer.
Des intrigues eurent part à cette entreprise imprévue : le prince de Condé était jaloux de la gloire de Turenne, et Louvois de sa faveur auprès du roi ; Condé était jaloux en héros, et Louvois en ministre. Le prince, gouverneur de la Bourgogne, qui touche à la Franche-Comté, avait formé le dessein de s’en rendre maître en hiver, en moins de temps que Turenne n’en avait mis l’été précédent à conquérir la Flandre française. Il communiqua