Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/262

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Aix-la-Chapelle pour le lieu des conférences, et le nouveau pape Rospigliosi, Clément IX, pour médiateur.

La cour de Rome, pour décorer sa faiblesse d’un crédit apparent, rechercha par toutes sortes de moyens l’honneur d’être l’arbitre entre les couronnes. Elle n’avait pu l’obtenir au traité des Pyrénées : elle parut l’avoir au moins à la paix d’Aix-la-Chapelle. Un nonce fut envoyé à ce congrès pour être un fantôme d’arbitre entre des fantômes de plénipotentiaires. Les Hollandais, déjà jaloux de la gloire, ne voulurent point partager celle de conclure ce qu’ils avaient commencé. Tout se traitait en effet à Saint-Germain, par le ministère de leur ambassadeur Van Beuning. Ce qui avait été accordé en secret par lui était envoyé à Aix-la-Chapelle, pour être signé avec appareil par les ministres assemblés au congrès. Qui eût dit trente ans auparavant qu’un bourgeois de Hollande obligerait la France et l’Espagne à recevoir sa médiation ?

Ce Van Beuning, échevin d’Amsterdam, avait la vivacité d’un Français et la fierté d’un Espagnol. Il se plaisait à choquer, dans toutes les occasions, la hauteur impérieuse du roi, et opposait une inflexibilité républicaine au ton de supériorité que les ministres de France commençaient à prendre. « Ne vous fiez-vous pas à la parole du roi ? » lui disait M. de Lyonne dans une conférence. « J’ignore ce que veut le roi, dit Van Beuning ; je considère ce qu’il peut. » Enfin, à la cour du plus superbe monarque du monde, un bourgmestre conclut avec autorité (2 mai 1668) une paix par laquelle le roi fut obligé de rendre la Franche-Comté. Les Hollandais eussent bien mieux aimé qu’il eût rendu la Flandre, et être délivrés d’un voisin si redoutable ; mais toutes les nations trouvèrent que le roi marquait assez de modération en se privant de la Franche-Comté. Cependant il gagnait davantage en retenant les villes de Flandre, et il s’ouvrait les portes de la Hollande, qu’il songeait à détruire dans le temps qu’il lui cédait.