Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/333

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qui n’avait qu’à dire : Je veux. (19 septembre 1691) Cependant, après la défaite de Fleurus, il vint opposer au maréchal de Luxembourg une armée aussi forte que la française.

Elles étaient composées chacune d’environ quatre-vingt mille hommes[1] ; (9 avril 1691) mais Mons était déjà investi par le maréchal de Luxembourg, et le roi Guillaume ne croyait pas les troupes françaises sorties de leurs quartiers. Louis XIV vint au siège. Il entra dans la ville au bout de neuf jours de tranchée ouverte, en présence de l’armée ennemie. Aussitôt il reprit le chemin de Versailles, et il laissa Luxembourg disputer le terrain pendant toute la campagne, qui finit par le combat de Leuse (19 septembre 1691) ; action très-singulière, où vingt-huit escadrons de la maison du roi et de la gendarmerie défirent soixante et quinze escadrons de l’armée ennemie.

Le roi reparut encore au siège de Namur, la plus forte place des Pays-Bas par sa situation au confluent de la Sambre et de la Meuse, et par une citadelle bâtie sur des rochers. Il prit la ville en huit jours (juin 1692), et les châteaux en vingt-deux, pendant que le duc de Luxembourg empêchait le roi Guillaume de passer la Méhaigne à la tête de quatre-vingt mille hommes[2], et de venir faire lever le siège. Louis retourna encore à Versailles après cette conquête, et Luxembourg tint encore tête à toutes les forces des ennemis. Ce fut alors que se donna la bataille de Steinkerque, célèbre par l’artifice et par la valeur. Un espion que le général français avait auprès du roi Guillaume est découvert. On le force, avant de le faire mourir, d’écrire un faux avis au maréchal de Luxembourg. Sur ce faux avis, Luxembourg prend, avec raison, des mesures qui le devaient faire battre. Son armée endormie est attaquée à la pointe du jour : une brigade est déjà mise en fuite, et le général le sait à peine. Sans un excès de diligence et de bravoure, tout était perdu.

Ce n’était pas assez d’être grand général, pour n’être pas mis en déroute, il fallait avoir des troupes aguerries, capables de se rallier ; des officiers généraux assez habiles pour rétablir le désordre, et qui eussent la bonne volonté de le faire : car un seul officier supérieur qui eût voulu profiter de la confusion pour faire battre son général le pouvait aisément sans se commettre.

  1. Guillaume n’avait que trente-cinq à quarante mille hommes, réunis à la hâte. (G. A.)
  2. Voltaire grossit encore le chiffre. C’est soixante mille hommes environ qu’il faut lire.