Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/376

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il était de faire des arrangements par lui-même, les recevait de plusieurs mains subalternes. Son secret était quelquefois divulgué, avant même qu’il sût précisément ce qu’on devait faire. C’est ce que le marquis de Feuquières lui reproche avec raison, et Mme de Maintenon avoue dans ses lettres que cet homme qu’elle avait choisi était un ministre incapable. Ce fut là une des principales causes du malheur de la France.

Dès que Marlborough eut le commandement des armées confédérées en Flandre, il fit voir qu’il avait appris l’art de la guerre sous Turenne. Il avait fait autrefois ses premières campagnes, volontaire sous ce général. On ne l’appelait dans l’armée que le bel Anglais ; mais le vicomte de Turenne avait jugé que le bel Anglais serait un jour un grand homme. Il commença par élever des officiers subalternes et jusqu’alors inconnus, dont il démêlait le mérite, sans s’assujettir à l’ordre du grade militaire, que nous appelons en France l’ordre du tableau. Il savait que quand les grades ne sont que la suite de l’ancienneté, l’émulation périt, et qu’un officier, pour être plus ancien, n’est pas toujours meilleur. (1702) Il forma d’abord des hommes. Il gagna du terrain sur les Français sans combattre. Le premier mois, le comte d’Athlone, général hollandais, lui disputait le commandement ; et dès le second, il fut obligé de lui déférer en tout. Le roi de France avait envoyé contre lui son petit-fils le duc de Bourgogne, prince sage et juste, né pour rendre les hommes heureux. Le maréchal de Boufflers, homme d’un courage infatigable, commandait l’armée sous ce jeune prince. Mais le duc de Bourgogne, après avoir vu prendre plusieurs places, après avoir été forcé de reculer par les marches savantes de l’Anglais, revint à Versailles au milieu de la campagne. (Septembre et octobre 1702) Boufflers resta seul témoin des succès de Marlborough, qui prit Venloo, Ruremonde, Liège, avançant toujours, et ne perdant pas un moment la supériorité.

Marlborough, de retour à Londres après cette campagne, reçut les honneurs dont on peut jouir dans une monarchie et dans une république : créé duc par la reine, et, ce qui est plus flatteur, remercié par les deux chambres du parlement dont les députés vinrent le complimenter dans sa maison.

Il s’élevait cependant un homme qui semblait devoir rassurer la fortune de la France : c’était le maréchal duc de Villars, alors lieutenant général, et que nous avons vu depuis généralissime des armées de France, d’Espagne, et de Sardaigne, à l’âge de quatre vingt-deux ans, officier plein d’audace et de confiance. Il avait