sont dénuées, elle produit tout ce qui est nécessaire aux besoins de l’homme, et tout ce qui peut flatter ses désirs en arbres, en blés, en fruits, en légumes de toute espèce. Barcelone est un des beaux ports de l’Europe, et le pays fournit tout pour la construction des navires. Ses montagnes sont remplies de carrières de marbre, de jaspe, de cristal de roche ; on y trouve même beaucoup de pierres précieuses. Les mines de fer, d’étain, de plomb, d’alun, de vitriol, y sont abondantes : la côte orientale produit du corail. La Catalogne enfin peut se passer de l’univers entier, et ses voisins ne peuvent se passer d’elle.
Loin que l’abondance et les délices aient amolli les habitants, ils ont toujours été guerriers, et les montagnards surtout ont été féroces. Mais, malgré leur valeur et leur amour extrême pour la liberté, ils ont été subjugués dans tous les temps : les Romains, les Goths, les Vandales, les Sarrasins, les conquirent.
Ils secouèrent le joug des Sarrasins, et se mirent sous la protection de Charlemagne. Ils appartinrent à la maison d’Aragon, et ensuite à celle d’Autriche.
Nous avons vu que sous Philippe IV, poussés à bout par le comte-duc d’Olivarès, premier ministre, ils se donnèrent à Louis XIII en 1640[1]. On leur conserva tous leurs privilèges ; ils furent plutôt protégés que sujets. Ils rentrèrent sous la domination autrichienne en 1652 ; et, dans la guerre de la succession, ils prirent le parti de l’archiduc Charles contre Philippe V. Leur opiniâtre résistance prouva que Philippe V, délivré même de son compétiteur, ne pouvait seul les réduire. Louis XIV, qui, dans les derniers temps de la guerre, n’avait pu fournir ni soldats ni vaisseaux à son petit-fils contre Charles, son concurrent, lui en envoya alors contre ses sujets révoltés. Une escadre française bloqua le port de Barcelone, et le maréchal de Berwick l’assiégea par terre.
La reine d’Angleterre, plus fidèle à ses traités qu’aux intérêts de son pays, ne secourut point cette ville. Les Anglais en furent indignés ; ils se faisaient le reproche que s’étaient fait les Romains d’avoir laissé détruire Sagonte. L’empereur d’Allemagne promit de vains secours. Les assiégés se défendirent avec un courage fortifié par le fanatisme. Les prêtres, les moines, coururent aux armes et sur les brèches, comme s’il s’était agi d’une guerre de religion. Un fantôme de liberté les rendit sourds à toutes les avances qu’ils reçurent de leurs maîtres. Plus de cinq cents ecclé-
- ↑ Dans l’Essai sur les Mœurs, etc., chapitre clxxvii (tome XIII, page 35).