Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
484
CHAPITRE XXVIII.

aimait point, et les craignait ; moi, je ne les aime ni ne les crains. »

Ayant donné, en 1658, la place de premier président du parlement de Paris à M. de Lamoignon, alors maître des requêtes, il lui dit : « Si j’avais connu un plus homme de bien et un plus digne sujet, je l’aurais choisi. » Il usa à peu près des mêmes termes avec le cardinal de Noailles, lorsqu’il lui donna l’archevêché de Paris. Ce qui fait le mérite de ces paroles, c’est qu’elles étaient vraies, et qu’elles inspiraient la vertu.

On prétend qu’un prédicateur indiscret le désigna un jour à Versailles : témérité qui n’est pas permise envers un particulier, encore moins envers un roi. On assure que Louis XIV se contenta de lui dire : « Mon père, j’aime bien à prendre ma part d’un sermon ; mais je n’aime pas qu’on me la fasse. » Que ce mot ait été dit ou non, il peut servir de leçon.

Il s’exprimait toujours noblement et avec précision, s’étudiant en public à parler comme à agir en souverain. Lorsque le duc d’Anjou partit pour aller régner en Espagne, il lui dit, pour marquer l’union qui allait désormais joindre les deux nations : « Il n’y a plus de Pyrénées[1]. »

Rien ne peut assurément faire mieux connaître son caractère que le Mémoire suivant, qu’on à tout entier écrit de sa main[2].

  1. Ce mot ne se trouve pas dans les Mémoires antérieurs à Voltaire. On ne le croit pas authentique. (G. A.)
  2. Il est déposé à la Bibliothèque du roi depuis plusieurs années. (Note de Voltaire.) — Cette note de Voltaire est dans l’édition de 1756.

    Ce fut le 10 octobre 1749 que le maréchal de Noailles (Adrien-Maurice) déposa à la Bibliothèque du roi trois volumes in-folio, contenant les originaux et les copies qu’il avait fait faire de divers écrits que Louis XIV lui avait remis.

    M. A.-A. Renouard y a pris la copie littérale que voici du commencement et de la fin du Mémoire dont parle ici Voltaire :

    « Les roys sont souuent obligés a faire des choses contre leur inclination et qui blesse leur bon naturel ils doiuent aimer à faire plesir et il faut quils châtie sonnent et perde des gens à qui naturellement ils ueulent du bien linterest de lestat doit marcher le premier on doit forser son inclination et ne ce pas mettre en estat de ce reprocher dans quelque chose d’important quon pouuoit faire mieux mais que quelques interest particuliers en ont empesché et ont destourné les ueues quon deuoit auoir pour la grandeur le bien et la puissance de lestat souuent où il y a des androits quils font peines il y en a de délicats qu’il est difficile à desmesler on a des idees confuses tant que cela est on peut demeurer sans ce desterminer mais desque lon cest fixé lesprit a quelque chose et quon croit uoir le meilleur party il le faut prendre, cest ce qui ma fait réussir souuent dans ce que jay fait .................... En 1671 un ministre mourut qui auoit une charge de secrétaire destat aiant le despartement des estrangers il estoit homme capable mais non pas sen défauts il ne laissoit pas de bien remplir ce poste qui est très important je fus quelque temps a penser à qui je ferois avoir la charge et après avoir bien examiné je trouué quun homme qui aoroit longtemps seruy dans des ambassades estoit celuy qui la rem-