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GOUVERNEMENT INTÉRIEUR.

effets qui se consomment. Ils ne faisaient pas réflexion que ces marchandises de l’Inde, devenues nécessaires, auraient été payées plus chèrement à l’étranger. Il est vrai qu’on porte aux Indes orientales plus d’espèces qu’on n’en retire, et que par là l’Europe s’appauvrit. Mais ces espèces viennent du Pérou et du Mexique ; elles sont le prix de nos denrées portées à Cadix, et il reste plus de cet argent en France que les Indes orientales n’en absorbent.

Le roi donna plus de six millions de notre monnaie d’aujourd’hui à la compagnie. Il invita les personnes riches à s’y intéresser. Les reines, les princes, et toute la cour, fournirent deux millions numéraires de ce temps-là. Les cours supérieures donnèrent douze cent mille livres ; les financiers, deux millions ; le corps des marchands, six cent cinquante mille livres. Toute la nation secondait son maître.

Cette compagnie a toujours subsisté : car encore que les Hollandais eussent pris Pondichéry en 1694, et que le commerce des Indes languît depuis ce temps, il reprit une force nouvelle sous la régence du duc d’Orléans[1]. Pondichéry devint alors la rivale de Batavia, et cette compagnie des Indes, fondée avec des peines extrêmes par le grand Colbert, reproduite de nos jours par des secousses singulières, fut, pendant quelques années, une des plus grandes ressources du royaume[2]. Le roi forma encore une compagnie du Nord en 1669 : il y mit des fonds comme dans celle des Indes. Il parut bien alors que le commerce ne déroge pas, puisque les plus grandes maisons s’intéressaient à ces établissements, à l’exemple du monarque.

La compagnie des Indes occidentales ne fut pas moins encouragée que les autres : le roi fournit le dixième, de tous les fonds.

Il donna trente francs par tonneau d’exportation, et quarante, d’importation[3] Tous ceux qui firent construire des vaisseaux dans les ports du royaume reçurent cinq livres pour chaque tonneau que leur navire pouvait contenir[4].

  1. Voyez le chapitre xxix du Précis du Siècle de Louis XV ; et dans les Mélanges, année 1773, l’article 1er des Fragments historiques sur l’Inde.
  2. Il a été prouvé depuis que la compagnie des Indes n’avait jamais fait qu’un commerce désavantageux, qu’elle n’avait pu soutenir qu’aux dépens du trésor public. Toute compagnie, même lorsqu’elle est florissante, dépense plus en frais de commerce que les particuliers, et rend les denrées dont elle a le privilège plus chères que si le commerce était resté libre. (K.)
  3. Ou plutôt cinquante francs pour l’exportation, et soixante-quinze pour l’importation. (G. A.)
  4. Les sommes employées à payer les primes sont levées sur la nation, ce qu’il ne faut point perdre de vue. L’effet d’une prime est d’augmenter pour le com-