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CHAPITRE XXIX.

droits onéreux. Ainsi l’abbé de Choisy parait ou bien mal instruit, ou bien injuste, quand il dit qu’on ne diminua point la recette. Il est certain qu’elle fut diminuée par ces remises, et augmentée par le bon ordre.

Les soins du premier président de Bellièvre, aidés des libéralités de la duchesse d’Aiguillon et de plusieurs citoyens, avaient établi l’hôpital général. Le roi l’augmenta, et en fit élever dans toutes les villes principales du royaume.

Les grands chemins, jusqu’alors impraticables, ne furent plus négligés, et peu à peu devinrent ce qu’ils sont aujourd’hui sous Louis XV, l’admiration des étrangers. De quelque côté qu’on sorte de Paris, on voyage à présent environ cinquante à soixante lieues, à quelques endroits près, dans des allées fermes, bordées d’arbres. Les chemins construits par les anciens Romains étaient plus durables, mais non pas si spacieux et si beaux[1].

Le génie de Colbert se tourna principalement vers le commerce, qui était faiblement cultivé et dont les grands principes n’étaient pas connus. Les Anglais, et encore plus les Hollandais, faisaient par leurs vaisseaux presque tout le commerce de la France. Les Hollandais surtout chargeaient dans nos ports nos denrées, et les distribuaient dans l’Europe. Le roi commença, dès 1662, à exempter ses sujets d’une imposition nommée le droit de fret, que payaient tous les vaisseaux étrangers ; et il donna aux Français toutes les facilités de transporter eux-mêmes leurs marchandises à moins de frais. Alors le commerce maritime naquit. Le conseil de commerce, qui subsiste aujourd’hui, fut établi, et le roi y présidait tous les quinze jours.

Les ports de Dunkerque et de Marseille furent déclarés francs, et bientôt cet avantage attira le commerce du Levant à Marseille, et celui du Nord à Dunkerque.

On forma une compagnie des Indes occidentales en 1664, et celle des grandes Indes fut établie la même année. Avant ce temps, il fallait que le luxe de la France fût tributaire de l’industrie hollandaise. Les partisans de l’ancienne économie timide, ignorante, et resserrée, déclamèrent en vain contre un commerce dans lequel on échange sans cesse de l’argent qui ne périrait pas, contre des

    de faire payer. Si le retranchement de 500 000 écus de droits ne fut pas remplacé sur-le-champ par un autre impôt, ce qui est très-douteux, il ne tarda point à l’être. (K.)

  1. La véritable beauté des grands chemins consiste, non dans leur largeur, qui nuit à l’agriculture, mais dans leur solidité, et surtout dans l’art de les diriger à travers les montagnes, en conciliant la commodité avec l’économie. Cet art s’est perfectionné de nos jours, surtout dans les pays où la corvée a été abolie. (K.)