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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

Bossuet (Jacques-Bénigne), de Dijon, né en 1627, évêque de Condom, et ensuite de Meaux. On a de lui cinquante-un[1] ouvrages ; mais ce sont ses Oraisons funèbres et son Discours sur l’Histoire universelle qui l’ont conduit à l’immortalité. On a imprimé plusieurs fois que cet évêque a vécu marié, et Saint-Hyacinthe[2], connu par la part qu’il eut à la plaisanterie de Mathanasius, a passé pour son fils ; mais c’est une fausseté reconnue. La famille des Secousses, considérée dans Paris, et qui a produit des personnes de mérite, assure qu’il y eut un contrat de mariage secret entre Bossuet, encore très-jeune, et Mlle Desvieux[3] ; que cette demoiselle fit le sacrifice de sa passion et de son état à la fortune que l’éloquence de son amant devait lui procurer dans l’Église ; qu’elle consentit à ne jamais se prévaloir de ce contrat, qui ne fut point suivi de la célébration ; que Bossuet, cessant ainsi d’être son mari, entra dans les ordres ; et qu’après la mort du prélat, ce fut cette même famille qui régla les reprises et les conventions matrimoniales. Jamais cette demoiselle n’abusa, dit cette famille, du secret dangereux qu’elle avait entre les mains. Elle vécut toujours l’amie de l’évêque de Meaux, dans une union sévère et respectée. Il lui donna de quoi acheter la petite terre de Mauléon, à cinq lieues de Paris. Elle prit alors le nom de Mauléon, et a vécu près de cent années. On raconte qu’ayant dit au jésuite La Chaise, confesseur de Louis XIV : « On sait que je ne suis pas janséniste, » La Chaise répondit : « On sait que vous n’êtes que mauléoniste. » Au reste, on a prétendu que ce grand homme avait des sentiments philosophiques différents de sa théologie, à peu près comme un savant magistrat qui, jugeant selon la lettre de la loi, s’élèvera quelquefois en secret au-dessus d’elle par la force de son génie. Mort en 1704[4].

Boudier (René), de La Jousselinière[5], auteur de quelques vers

  1. C’est le nombre donné dans les tomes II et X (première partie) des Mémoires de Nicéron ; mais, dans la seconde partie du tome X de ces Mémoires, publiée en 1731, on nomme deux ouvrages de plus. La Biographie universelle en énumère quatre-vingt-onze ou quatre-vingt-quinze.
  2. Hyacinthe Cordonnier, connu sous le nom de Thémiseul de Saint-Hyacinthe, né à Orléans le 24 septembre 1684, mort en 1746. Il fut l’un des ennemis de Voltaire, qui, de son côté, ne le ménagea pas ; voyez, dans les Mélanges, à la date de 1737, les Conseils à un journaliste ; et, dans la Correspondance, plusieurs lettres, entre autres celles à Berger, du 16 février 1739, et à Levesque de Pouilly, du 27 février 1739. On trouvera, dans les Pièces justificatives, à la suite de la Vie de Voltaire (voyez tome Ier), une lettre de Saint-Hyacinthe à M. de Bucigny.
  3. Voyez l’article Pellisson.
  4. Voyez chapitre xxxii.
  5. Né à Alençon en 1634, mort en 1723.