Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/198

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nuel de l’attention de la maison d’Autriche pendant plus de deux siècles.

Cette guerre d’Italie est la seule qui se soit terminée avec un succès solide pour les Français depuis Charlemagne. La raison en est qu’ils avaient pour eux le gardien des Alpes, devenu le plus puissant prince de ces contrées ; qu’ils étaient secondés des meilleures troupes d’Espagne, et que les armées furent toujours dans l’abondance.

L’empereur fut alors trop heureux de recevoir des conditions de paix que lui offrait la France victorieuse. Le cardinal de Fleury, ministre de France, qui avait eu la sagesse d’empêcher l’Angleterre et la Hollande de prendre part à cette guerre, eut aussi celle de la terminer heureusement sans leur intervention.

Par cette paix, don Carlos lut reconnu roi de Naples et de Sicile. L’Europe était déjà accoutumée à voir donner et changer des États. On assigna à François, duc de Lorraine, gendre de l’empereur Charles VI, l’héritage des Médicis qu’on avait auparavant accordé à don Carlos ; et le dernier grand-duc de Toscane[1], près de sa fin, demandait « si on ne lui donnerait pas un troisième héritier, et quel enfant l’empire et la France voulaient lui faire ». Ce n’est pas que le grand-duché de Toscane se regardât comme un fief de l’empire ; mais l’empereur le regardait comme tel, aussi bien que Parme et Plaisance, revendiqués toujours par le saint-siège, et dont le dernier duc de Parme avait fait hommage au pape : tant les droits changent selon les temps ! Par cette paix, ces duchés de Parme et de Plaisance, que les droits du sang donnaient à don Carlos, fils de Philippe V et d’une princesse de Parme, furent cédés à l’empereur Charles VI en propriété.

Le roi de Sardaigne, duc de Savoie, qui avait compté sur le Milanais, auquel sa maison, toujours agrandie par degrés, avait depuis longtemps des prétentions, n’en obtint qu’une petite partie, comme le Novarrois, le Tortonois, les fiefs des Langhes. Il tirait ses droits sur le Milanais d’une fille de Philippe II, roi d’Espagne, dont il descendait. La France avait aussi ses anciennes prétentions, par Louis XII, héritier naturel de ce duché. Philippe V avait les siennes, par les inféodations renouvelées à quatre rois d’Espagne ses prédécesseurs ; mais toutes ces prétentions cédèrent à la convenance et au bien public. L’empereur garda le Milanais ; ce n’est pas un fief dont il doive toujours donner l’investiture : c’était ori-

  1. Jean Gaston, dernier grand-duc, de la maison de Médicis, mort sans postérité en 1737.