Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/230

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çait à s’établir dans une île du Rhin auprès du vieux Brisach. Des partis hongrois pénétraient jusque par delà de la Sarre, et entamaient les frontières de la Lorraine. Ce fameux partisan Mentzel faisait répandre dans l’Alsace, dans les Trois Évêchés, dans la Franche-Comté, des manifestes par lesquels il invitait les peuples, au nom de la reine de Hongrie, à retourner sous l’obéissance de la maison d’Autriche : il menaçait les habitants qui prendraient les armes de les faire pendre, « après les avoir forcés de se couper eux-mêmes le nez et les oreilles ». Cette insolence, digne d’un soldat d’Attila, n’était que méprisable ; mais elle était la preuve des succès. Les armées autrichiennes menaçaient Naples, tandis que les armées françaises et espagnoles n’étaient encore que dans les Alpes. Les Anglais, victorieux sur terre, dominaient sur les mers ; les Hollandais allaient se déclarer, et promettaient de se joindre en Flandre aux Autrichiens et aux Anglais. Tout était contraire. Le roi de Prusse, satisfait de s’être emparé de la Silésie, avait fait sa paix particulière avec la reine de Hongrie.

Louis XV soutint tout ce grand fardeau. Non-seulement il assura les frontières sur les bords du Rhin et de la Moselle par des corps d’armée, mais il prépara une descente en Angleterre même. Il fit venir de Rome le jeune prince Charles-Édouard, fils aîné du prétendant, et petit-fils de l’infortuné roi Jacques II. (9 janvier 1744) Une flotte de vingt et un vaisseaux, chargée de vingt-quatre mille hommes de débarquement, le porta dans le canal d’Angleterre. Ce prince vit pour la première fois le rivage de sa patrie ; mais une tempête, et surtout les vaisseaux anglais, rendirent cette entreprise infructueuse.

Ce fut dans ce temps-là que le roi partit pour la Flandre. Il avait une armée florissante que le comte d’Argenson, secrétaire d’État de la guerre, avait pourvue de tout ce qui pouvait faciliter la guerre de campagne et de siège.

Louis XV arrive en Flandre. À son approche les Hollandais, qui avaient promis de se joindre aux troupes de la reine de Hongrie et aux Anglais, commencent à craindre. Ils n’osent remplir leur promesse : ils envoient des députés au roi au lieu de troupes contre lui. Le roi prend Courtrai (le 18 mai 1744) et Menin (le 5 juin) en présence des députés.

Le lendemain même de la prise de Menin, il investit Ypres (6 juin 1744). C’était le prince de Clermont, abbé de Saint-Germain des Prés, qui commandait les principales attaques au siège d’Ypres. On n’avait point vu en France, depuis les cardinaux de La Valette et de Sourdis, d’homme qui réunît la profession des