Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/29

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semble ; mais l’autorité, la bonté et l’adresse de ce grand roi les continrent pendant sa vie.

Après la mort à jamais effrayante et déplorable de Henri IV, dans la faiblesse d’une minorité et sous une cour divisée, il était bien difficile que l’esprit républicain des réformés n’abusât de ses privilèges, et que la cour, toute faible qu’elle était, ne voulût les restreindre. Les huguenots avaient déjà établi en France des cercles, à l’imitation de l’Allemagne. Les députés de ces cercles étaient souvent séditieux, et il y avait dans le parti des seigneurs pleins d’ambition. Le duc de Bouillon, et surtout le duc de Rohan, le chef le plus accrédité des huguenots, précipitèrent bientôt dans la révolte l’esprit remuant des prédicants et le zèle aveugle des peuples. L’assemblée générale du parti osa, dès 1615, présenter à la cour un cahier par lequel, entre autres articles injurieux, elle demandait qu’on réformât le conseil du roi[1]. Ils prirent les armes en quelques endroits dès l’an 1616, et l’audace des huguenots se joignant aux divisions de la cour, à la haine contre les favoris, à l’inquiétude de la nation, tout fut longtemps dans le trouble. C’étaient des séditions, des intrigues, des menaces, des prises d’armes, des paix faites à la hâte, et rompues de même : c’est ce qui faisait dire au célèbre cardinal Bentivoglio, alors nonce en France[2], qu’il n’y avait vu que des orages.

Dans l’année 1621, les Églises réformées de France offrirent à Lesdiguières, devenu depuis connétable, le généralat de leurs armées, et cent mille écus par mois. Mais Lesdiguières, plus éclairé dans son ambition qu’eux dans leurs factions, et qui les connaissait pour les avoir commandés, aima mieux alors les combattre que d’être à leur tête, et pour réponse à leurs offres il se fit catholique. Les huguenots s’adressèrent ensuite au maréchal duc de Bouillon, qui dit qu’il était trop vieux ; enfin ils donnèrent cette malheureuse place au duc de Rohan, qui, conjointement avec son frère Soubise, osa faire la guerre au roi de France.

La même année, le connétable de Luines mena Louis XIII de province en province. Il soumit plus de cinquante villes, presque sans résistance ; mais il échoua devant Montauban ; le roi eut l’affront de décamper. On assiégea en vain la Rochelle, elle ré-

  1. Richelieu dit que, quand le conseil eût été huguenot, il n’eût pu donner contentement à leurs demandes. (G. A.)
  2. Voyez une particularité qui le concerne dans le Dictionnaire philosophique, à la fin de l’article Grégoire VII.